Assurances maladie frontalier obligatoires Suisse-France 1/2: les grands principes

Le projet de refonte du système de santé français 2018 a été dévoilé en septembre par Emmanuel Macron. Ce projet 2018 aborde des points critiques de la sécurité sociale des frontaliers qui avaient été soulignés dans nos précédents articles :

  • Les déserts médicaux de France voisine
  • La pénurie de médecins
  • L’engorgement des urgences

Embaucher 400 médecins généralistes payés par l’État dans des « déserts médicaux » est une mesure qui prendra du temps. Il faudra attendre encore davantage pour que le développement des technologies numériques contribuent aux soins de santé des patients, quelque soit leur lieu de résidence. D’ici à ce que ces mesures aient un effet sur les frontaliers, il est utile de mettre à jour notre dossier sur les systèmes de santé français et suisse. Au cours des prochains mois, les participants du Forum des Frontaliers vont échanger sur les effets perçus du plan santé 2018. Nous relayerons alors leur expérience et actualiserons notre dossier.

Notre dossier régulièrement mis à jour

Depuis la fin de l’assurance maladie privée en juin 2015, les frontaliers ont besoin de suivre les évolutions du  régime de base d’assurance maladie français ou suisse. Dans la première partie de notre dossier nous allons décrire son fonctionnement, les principes et la réglementation qui fondent ces assurances maladies obligatoires.

Suivra une deuxième partie :  Les soins, les frais, les remboursements des assurances maladie obligatoires des frontaliers.

Sommaire:

Universalité, solidarité et assurance maladie obligatoire : des principes communs

Depuis 1945, l’Assurance Maladie s’est construite en France sur trois principes fondamentaux de la Sécurité Sociale : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Les plus fortunés cotisent pour les moins fortunés et les personnes actives contribuent pour les inactifs.

En Suisse, la LAMal (Loi sur l’Assurance Maladie) est entrée en vigueur le 1er janvier 1996, elle a remplacé la LAMA de 1912. La révolution de cette loi a été d’introduire un caractère obligatoire à l’assurance de base en cas de maladie ou d’accident. Elle a également instauré plusieurs leviers pour réduire les dépenses :

  • Participation aux coûts de traitement à travers une franchise et une quote-part
  • Restriction dans le choix des fournisseurs de prestations

Dans les deux cas, la Sécurité sociale française ou la LAMal suisse, les assurés doivent avoir accès à un réseau de soins sans discrimination d’âge, de sexe ou d’état de santé. Les cotisations, les primes d’assurance sont obligatoires.

Assurance maladie LAMal et CMU: qui peut être affilié et où?

L’affiliation LAMal Frontalier au lieu de travail

En Suisse, la règle veut que le lieu d’affiliation dépend du domicile et du lieu de travail. Un résident en Suisse doit s’affilier à la LAMal au titre de sa résidence. Un travailleur frontalier en Suisse doit s’affilier « par défaut » à la LAMal au titre de son lieu de travail. Mais il existe des exceptions pour les membres de la famille des résidents étrangers (conjoint et enfants qui sont sans activité et qui sont restés au pays d’origine) et des frontaliers.

Pays d’origine Modalités d’affiliation
Belgique, Chypre, Estonie, Grèce, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Islande, Norvège Les membres de la famille doivent s’assurer en Suisse.
Grande-Bretagne, Danemark, Hongrie, Portugal Les membres de la famille doivent s’assurer dans leur pays de résidence.
Suède, Espagne, Liechtenstein Les membres de la famille d’une personne touchant une rente suisse et résidant en Espagne doivent en principe s’assurer en Suisse, mais peuvent sur demande, rester assurés dans leur pays de résidence (droit d’option) s’ils s’affilient tous ensemble en Espagne.
France, Italie, Allemagne, Autriche, Finlande Les membres de la famille doivent en principe s’assurer en Suisse, mais peuvent, sur demande, rester assurés dans leur pays de résidence (Droit d’option).​

 

L’affiliation CMU Frontalier au lieu de résidence

En France, c’est le droit européen qui assujettit l’obligation d’assurance au lieu de travail. Toute personne ayant une activité professionnelle et/ou qui a cotisé durant une période ou pour un montant déterminé, est assuré social à la sécurité sociale et peut prétendre aux prestations de l’assurance maladie en France.

Selon l’application du principe d’universalité, la couverture maladie universelle (CMU) permet à ceux qui ne remplissent pas ces caractéristiques (personnes non salariées, frontaliers) de rejoindre le régime général de l’assurance maladie.

La condition pour adhérer à la CMU est de résider légalement, de façon stable et régulière depuis trois mois en France métropolitaine ou dans un DOM. Le rattachement est obligatoire sauf cas particuliers : ressortissant non européen ou affilié LAMal Frontalier par exemple. Le frontalier qui ne travaille pas en France pourra s’affilier à la CMU au titre de sa résidence.

Droit d’option du frontalier suisse

Le frontalier suisse bénéficie d’un « droit d’option » qui lui permet de choisir son nouveau régime d’assurance maladie lorsqu’il commence ou recommence une activité professionnelle en Suisse.

L’affiliation à la CMU Frontalier ou à la LAMal Frontalier doit être réalisée dans les trois mois de la date de prise de poste en Suisse ou de l’emménagement en France. Au delà des trois mois, l’adhésion du frontalier sera refusée par la CMU. Il ne lui restera que la LAMal Frontalier pour s’assurer.

Quel coût de l’assurance maladie en Suisse et en France?

Ce simulateur permet d’estimer le coût de l’assurance maladie du frontalier en suisse ou en France.

Les primes d’assurance en Suisse, LAMal et LAMal Frontalier

Chaque année au mois de septembre, les primes LAMal pour les résidents suisses et les frontaliers sont fixées par les assureurs maladie suisses et approuvées sur le plan fédéral.

Les primes de l’assurance maladie suisse ne tiennent pas compte des revenus.

Pour le résident suisse, le montant de la prime varie en fonction de :

  • L’âge (0-18 ans / 19-26 ans / +26 ans)
  • Le canton de résidence
  • Le montant de la franchise (montant des frais médicaux à la charge de l’assuré avant de pouvoir prétendre à un remboursement de l’assureur)
  • Un modèle alternatif (télémédecine, restriction sur l’offre du médecin traitant etc.)

Pour le frontalier, la prime de l’assurance maladie suisse de base (LAMal Frontalier) ne varie qu’en fonction de l’âge.

Point important : les prestations offertes par la base LAMal sont identiques, quel que soit l’assureur.

Les cotisations d’assurance maladie en France, Sécurité sociale et CMU

En France, les cotisations sont proportionnelles aux revenus. Les personnes qui sont affiliées à la Sécurité sociale de base travaillent pour un employeur français, elles cotisent à hauteur de 0,75 % de la totalité du salaire, une part patronale de 13 % complète cette cotisation.

Les frontaliers affiliés à la CMU frontalier paient une cotisation fixée sur le montant de leur revenu fiscal de référence de l’année N-2 après un abattement forfaitaire dont le montant est réévalué chaque année.

Par exemple, vos cotisations 2019 seront établies sur le revenu de référence 2017 et après l’abattement de 25 % sur le plafond de la Sécurité sociale. Le taux 2019 est de 8 %.

C’est un pourcentage très lourd si on tient compte du fait que le revenu fiscal de référence inclut non seulement le salaire mais également les revenus fonciers et les revenus d’épargne.

Cotisations d’assurance maladie CMU / LAMal « individuelles » ou « familiales »?

Cotisations « individuelles » pour LAMal frontalier

L’affiliation à la LAMal est personnelle. En effet même les mineurs et les conjoints non-salariés doivent s’affilier individuellement. Chaque affilié paye donc une cotisation.

Les personnes emménageant en Suisse ont trois mois pour régulariser leur affiliation à une caisse maladie (à défaut d’un autre régime d’assurance reconnu). Sinon, ils risquent d’être affiliées d’office par le Service de l’Assurance Maladie de leur canton de résidence. Dans ce cas extrême, c’est le canton qui choisira l’assureur. Il appliquera la rétroactivité des primes et appliquera une pénalité financière. Il en est de même pour les nouveau-nés qui doivent être affiliés dans un délai de trois mois.

Pour le frontalier qui commence à travailler en Suisse, le délai est le même. Il a trois mois pour exercer son droit d’option, soit en régularisant son affiliation à la LAMal Frontalier, soit en  s’affiliant à la CMU Frontalier.  Passés ces 3 mois, la CMU refusera son affiliation, il risque d’être affilié d’office par le Service d’Assurance Maladie de son canton de travail avec une rétroactivité des primes.

Cotisations « familiales » pour la CMU frontalier

En France, les bénéficiaires directs ainsi que leurs « ayants droit » sont couverts par la Sécurité Sociale. La notion d’ayant droit évolue dans le régime français. Elle se dirige vers davantage d’individualisation. Ce n’est pas le cas de la CMU frontalier. La couverture des ayants droit de la CMU frontalier va continuer.

Les ayants droit de l’assuré CMU frontalier

Par ayants droit de l’assuré CMU frontalier, on entend les personnes qui peuvent bénéficier de sa protection sociale :

  • Le conjoint, le concubin pacsé ou non (s’ils ne sont pas couverts par leur propre régime)
  • Les enfants jusqu’à un certain âge (cf. ci-après)
  • Les parents, beaux-parents, frères et sœurs de l’assuré social et vivant à sa charge
  • Toute personne vivant à la charge de l’assuré depuis au moins douze mois

Les enfants ayants droit

Ce sont les enfants qui bénéficient de la protection sociale de leurs parents :

  • Jusqu’à l’âge de 16 ans
  • Ou de 20 ans s’ils poursuivent des études ou sont atteints d’une maladie ou d’un handicap les empêchant de travailler

Si les deux parents sont assurés, les enfants peuvent être « rattachés » indifféremment au père, à la mère ou aux deux parents.

Dès qu’il exerce une activité professionnelle donnant lieu à cotisation, l’enfant devient assuré social à titre personnel. Il perd donc son statut d’ayant droit.

De plus, les adolescents de plus de 16 ans et les autres ayants droit peuvent être identifiés de façon autonome au sein du régime de l’assuré. Ils perçoivent ainsi à titre personnel les prestations en nature.

Enfin, les jeunes adultes de plus de 18 ans qui ne sont pas étudiants et qui n’exercent pas d’activité professionnelle peuvent rester ayants droit de leurs parents.  À condition toutefois d’habiter avec eux et d’être à leur charge depuis au moins douze mois.

Les enfants étudiants

Les enfants étudiants dans l’enseignement supérieur sont obligatoirement affiliés à la Sécurité sociale étudiante. L’affiliation est gratuite :

  • Si l’enfant est âgé de moins de 20 ans. Elle devient payante si l’enfant atteint l’âge de 20 ans au cours de l’année universitaire (entre le 1er octobre et le 30 septembre).
  • Sans limite d’âge si l’enfant est boursier

Plus d’informations

Dans la deuxième partie de notre dossier vous trouverez davantage d’informations. Prise en charge, frais et choix du médecin :

Les soins, les frais, les remboursements des assurances maladie obligatoires des frontaliers (2ème partie)
 

Dossier : l’assurance LAMal Frontalier ou la CMU ?

Commentaires

  1. Voici la mise à jour de notre analyse datée de 2016,
    il y a eu beaucoup de changements depuis …

  2. Au cours des prochains mois, nous pourrons échanger ici sur les effets perçus (ou pas) du plan santé 2018 en France pour les frontaliers.

    En particulier si il y a eu des évolutions sur les points critiques déjà cités par les frontaliers :

    • les zones de désert médical en France voisine
    • la pénurie de médecin spécialiste
    • l’engorgement des urgences
  3. J’ai vu hier une carte interactive des déserts médicaux français proposée par le Figaro.
    L’internaute saisit le code postal de sa commune et le site lui renvoie un indicateur sur la couverture en matière de médecins sur la zone.

    Malheureusement l’accès à cette application par le Figaro n’est plus ouvert ce matin. Comme cette application s’appuie sur des données publiques, j’imagine qu’il doit y avoir d’autres accès.
    Merci d’avance à celui ou celle qui trouvera un autre lien public de le partager ici.
    Il sera bien utile aux frontaliers.

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