Le peuple et les cantons suisses se sont prononcés contre l’institution d’une caisse maladie unique.
A la gauche qui promettait des économies et une meilleure gestion des risques ; la droite ripostait une étatisation du système de santé, la fin de la concurrence entre les caisses et de la liberté des assurés.
Le débat est classique et les craintes des suisses les mêmes. La peur de perdre les avantages d’un système de santé performant et de reproduire le système fragile de leurs voisins européens.
La loi sur l’assurance maladie « LAMal » et le fonctionnement des caisses
Le système de santé suisse est basé sur la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994.
Elle institue une assurance de base obligatoire (AOS) pour tous les résidents, qui est géré par des caisses maladie reconnues.
L’affiliation des assurés est individuelle et non automatique, chaque résident choisit une caisse.
Il existe une certaine concurrence entre les caisses à l’échelle des primes maladie. Chaque prime varie en fonction de l’âge de l’assuré, du lieu de résidence, de la franchise choisie ou du libre choix du médecin.
Un libre passage d’un assureur à l’autre est garanti, néanmoins, le catalogue des prestations de soins est exhaustif et les éventualités couvertes sont définies par la loi.
Une caisse unique pour réduire le coût de la maladie en Suisse ?
D’après l’OFSP, en 2015 les suisses payeront en moyenne 412 CHF par mois pour leur assurance de base.
En moyenne, les primes augmentent de 3 à 4 % par année.
Une initiative qui souhaite instituer une caisse maladie nationale et de droit public, n’est pas à son premier coup d’essai dans le pays.
Ce thème est réactualisé par la gauche, après le rejet par le peuple d’un projet similaire le 17 avril 2007 par plus de 71% des voix.
Le comité d’initiative, composé de personnalités du parti socialiste suisse et d’associations de retraités ou de personnel de la santé, promet de faire des économies.
L’initiative en faveur de la caisse maladie unique
Les partisans du oui affirment qu’une seule caisse qui regroupe tous les assurés, parviendrait à éliminer différents frais administratifs.
Ils accusent notamment les caisses maladie d’engloutir de l’argent pour la publicité, les changements annuels de caisse de la population et le lobbying politique. Tout en pointant du doigt les revenus très confortables des dirigeants de ces caisses, les initiants avouent ne pas apporter de solution à la hausse annuelle des primes.
L’initiative promet aussi d’améliorer la qualité des soins prodigués par les professionnels de santé.
Un argument de poids, car en mettant fin à la sélection des risques dont sont accusés les caisses, la caisse unique promet un net avantage pour les personnes à risque.
D’après les initiants, les caisses en cherchant leur profit veulent éliminer les « cas non rentables », notamment les personnes malades ou âgées.
En outre elles se seraient servies des informations médicales obtenues par l’assurance de base, pour refuser la conclusion d’une assurance complémentaire (ou CA), qui n’est pas obligatoire.
Même si cette pratique est réputée contraire à la loi suisse sur la protection des données (LPD), le Conseil fédéral avoue qu’il « ne peut être exclu qu’un échange d’informations ait néanmoins lieu ».
Les arguments du « non » qui ont fait mouche
Au contraire, les militants du non, avancent d’abord des arguments idéologiques, qui sont ancrés dans la conscience collective suisse.
Le jeu de la concurrence et le sacro saint libre marché qu’ils voudraient préserver sont menacés par l’étatisation de la santé.
La fin aussi d’une certaine liberté : avec la caisse unique, il y a un risque de ne pas pouvoir choisir la prime la plus basse, de perdre le médecin de famille ou qu’un traitement soit imposé.
Les détracteurs de la caisse unique soutiennent que les caisses consacrent seulement 5% de leur budget à l’aspect administratif et que les gains en termes de frais seraient dérisoires.
En revanche ils craignent des licenciements massifs car les caisses actuelles ne devraient garder plus que l’assurance complémentaire.
Enfin, d’après le professeur de l’Université de Zurich et le directeur de l’Institut CSS à Lucerne, Konstantin Beck, « une chose est claire : ce serait la fin du subventionnement croisé toléré par le Conseil fédéral, par lequel les bénéfices de l’assurance complémentaire sont utilisés pour réduire les primes de l’assurance de base ».
Un vote contre la caisse unique … sauf dans les cantons romands
Aujourd’hui le peuple et les cantons suisses ont tranché. Le non à l’initiative de la caisse unique l’a largement emporté.
C’est une majorité d’environ 62% de votants et 22 cantons qui rejettent l’initiative.
Les seuls cantons qui ont accepté l’initiative sont Genève, Vaud, Jura et Neuchâtel avec respectivement 57,39%, 56,24%, 62,97% et 59,58% des votants.
Le système national de la caisse unique rappelle tristement le modèle des pays européens, qui ont aussi été pointés du doigt.
Quand le même jour, la France, annonçait par la voix de sa ministre, un nouveau déficit de la sécurité sociale supérieur aux prévisions à 11,7 milliards d’euros, les suisses, fidèles à leur tradition libérale ont aujourd’hui, une fois de plus, décidé de faire confiance à leur système de santé.