Depuis le 1er juin 2002, la libre circulation des personnes est possible entre la Suisse et l’Union européenne.
Entre temps cet accord a évolué, il s’est ouvert en 2006 aux pays récemment entrés dans l’Europe, mais avec certains quotas.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces accords ont fait couler beaucoup d’encre helvétique. Décriés par les uns, soutenus par les autres, le sujet revient régulièrement faire parler de lui dans l’espace politique.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces accords sont-ils menacés ? Quels sont les partisans et les opposants à la libre circulation des personnes en Suisse ? Quelles sont les prochaines échéances du débat public et politique ?
Qu’est ce que les accords bilatéraux ?
La libre circulation des personnes n’est qu’une partie des accords bilatéraux signés entre la Suisse et l’union européenne. Ces accords portent sur un ensemble de 7 thématiques dont :
- Les échanges commerciaux : normes et conformité des produits pour la vente sur les 2 territoires…
- L’agriculture : contrôle vétérinaire simplifiés, facilités tarifaires, importation…
- Les transports : l’accord porte sur 2 volets, trafic aérien et terrestre
- L’immigration : libre circulation, facilité d’installation, possibilité de travailler etc…
- La recherche : travail et financement conjoint de programmes de recherche entre la Suisse et l’UE…
Ces accords font suite aux accords de 1972 sur le libre échange.
La libre circulation des personnes au 1er janvier 2013
Actuellement, les pays concernés par l’accord de libre circulation des personnes en Suisse sont les suivants :
- Depuis 2002 : « UE-15 » les 15 membres de l’union européenne de l’époque (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne…) + Malte et Chypre
- Depuis 2006 : « UE-8 » les 8 membres entrés dans l’UE entre temps (Pologne, Slovénie, Hongrie…)
- Depuis 2009 : la Bulgarie « BG » et la Roumanie « RO »
Ces 3 catégories n’ayant pas été introduites en même temps, elles ne se font pas aux mêmes conditions. Il existe 3 situations possibles :
- La libre circulation avec restrictions. La Suisse maintient certaines conditions à l’entrée des personnes sur son territoire : quotas, priorité donnée aux travailleurs locaux, niveau de qualification minimal demandé…
- La libre circulation assortie d’une clause de sauvegarde. La libre circulation est totale, mais la Suisse se garde la droit de réintroduire des quotas en cas d’immigration excessive.
- La libre circulation totale et sans contraintes.
Ce schéma du bureau de l’intégration présente les différentes étapes pour les immigrés des pays précédemment cités :
On le voit, pour tous les Etats sauf la Bulgarie et la Roumanie, aujourd’hui la libre circulation est en place, mais les clauses de sauvegarde perdurent jusqu’en 2014.
Arguments des détracteurs de la libre circulation
L’UDC (Union Démocratique du Centre, parti conservateur) souhaite instaurer des plafonds pour les travailleurs immigrés, les frontaliers, les requérants d’asile. Le parti se propose de durcir les conditions d’entrée sur Suisse et de favoriser les demandeurs d’emploi suisses.
Le groupe écologiste ecopop (Ecologie et Population) a déposé une initiative contre la surpopulation dans le but de préserver l’environnement.
Si le projet se présente comme ne visant pas les étrangers, il n’empêche que le principal levier pour limiter la population est de réduire l’immigration sur Suisse, principale source de croissance de la population.
Les arguments présentés par les détracteurs de la libre circulation sont les suivants :
- La Suisse est un pays très densément peuplé qui ne peut accueillir une si forte croissance de la population (ndla : la densité de la Suisse se situe dans la moyenne européenne à 193 hab/km²)
- Le peuple Suisse doit reprendre le contrôle de son immigration qu’il a perdu suite aux accords
- Les frontaliers et immigrés occupent le travail et les logements des nationaux
- La forte immigration de travail encourage le dumping salarial et la détérioration des conditions de travail
- Une croissance économique fondée sur l’immigration est dangereuse
- Émergence de ghettos sociaux, culturels…
- Hausse de la criminalité
- Les infrastructures (transport, logement…) ne peuvent pas suivre le rythme imposé par la hausse de l’immigration
Écologistes et sociaux pour les uns, sécuritaires et parfois xénophobes pour d’autres, ces arguments permettent aux partis et organisations opposés à la libre circulation de déposer régulièrement des initiatives populaires contre les accords helvéto-européens.
Arguments des défenseurs de la libre circulation
Le « patronat suisse », au travers par exemple de la Fédération des Entreprises Suisses, estime quant à lui que la libre circulation est un atout important de la Suisse.
Les arguments mettent en avant que la croissance et la compétitivité des entreprises suisses n’est possible qu’en ouvrant le marché du travail.
Niveau chiffres, le chômage reste très bas et la Suisse a parfaitement « digéré » l’afflux de travailleurs étrangers puisqu’en même temps que son nombre augmentait, le taux de chômage était réduit.
Le Conseil fédéral oppose aussi des arguments aux initiatives populaires cherchant à freiner la libre circulation : conflit avec l’Union Européenne, surcharge bureaucratique en cas de contrôles de l’immigration.
L’argumentaire tenu est que la Suisse est capable de relever le « défi » de l’intégration des travailleurs immigrés, tout en contrôlant les dérives éventuelles d’une telle ouverture (dumping salarial, insécurité…).
Les arguments repris par les défenseurs de la libre circulation sont les suivants :
- La croissance du PIB suisse est plus forte qu’avant la libre circulation des personnes
- La création d’emplois a apporté de nouveaux revenus fiscaux à la confédération
- La marché du travail suisse est trop limité par rapport aux besoins du pays
- Les travailleurs immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent en terme d’assurance sociale
- L’accord sur la libre circulation fait partie d’un tout (voir ci-dessus) et les autres accords sont indispensables à l’économie et au marché du travail suisse
- La Suisse a les moyens de maîtriser son chômage, elle est capable de le résorber avec efficacité
Prochaines échéances politiques
Dans les 3 années à venir, le peuple suisse sera appelé à se prononcer sur 3 échéances importantes : l’ouverture à la Croatie et les initiatives « anti-libre circulation » de l’UDC et d’ecopop. Les campagnes risquent d’être houleuses et de refaire sortir des arguments extrêmes.
Un membre du PDC demande à établir un contre-projet face à celui de l’UDC, le parti écologiste ne semble pas sensible aux arguments d’ecopop, enfin plusieurs voix s’élèvent à gauche pour dire qu’aucune des initiatives ne propose de solution. A l’intérieur même des partis, on note des divergences sur ces sujets âprement discutés.
Le contexte économique mondial difficile pourrait cristalliser la tension des suisses sur ces problématiques, les partisans de la libre circulation devront affûter leurs arguments et mener des actions concrètes en faveur du marché du travail et de l’intégration des travailleurs étrangers.
Nul doute que les élections cantonales de 2013 dans de nombreux cantons frontaliers (Genève, Neuchatel, Bâle-campagne, Tessin, Valais) verront ces sujets chaudement débattus.
Dorothy Simpson
Cela semble un sujet tabou mais il existe une discrimination à l’embauche en Suisse romande, principalement pour les Français non seulement habitant la frontière mais aussi pour ceux qui résident en Suisse et ont déjà travaillé en Suisse, qui sont souvent très qualifiés et ont le profil des postes.
Personne n’en parle car ceux qui en sont victimes ne peuvent se plaindre de discrimination de peur d’être définitivement grillés.
admin
Je ne sais pas si le sujet est tabou, il a parfois été clairement posé, comme avec les HUG par exemple.
Certains secteurs d’activité ne peuvent se passer de main d’oeuvre étrangère, pour les autres, une préférence régionale peut être mise en place.
Sur Genève notamment, l’immigration de travail est très importante en rapport avec la population, pour que l’intégration de ces personnes se fasse en bonne entente avec la population, celle-ci doit ressentir une considération bienveillante.
Mimi
C’est vrai pour l’avoir vécu et le vivre encore !
damien
Etant donné que beaucoup de HR sont Français, je ne pense pas qu’il y a discrimination à l’enbauche envers les Français. Si il y a discrimination, c’est plutôt contre les Suisses.
admin
J’ai lu plusieurs fois cette remarque et je me demande si elle est fondée.
Un HR qui favoriserai ses compatriotes prend selon moi de grands risques. S’il l’exécute, ce n’est pas pour autant lui qui dicte la politique de recrutement de son entreprise.
Dans certains secteurs d’activité (sociétés de service par exemple) cela peut même être contre-productif car les profils recrutés ne correspondent pas aux demandes des clients…
Bref, c’est une pratique qui me semble mettre le recruteur dans une position difficilement défendable si elle est avérée.