Inégalité salariale en Suisse, chiffres et réalités

Salaires inégaux, où en est l'égalité hommes-femmes ?

Comme prévu, une belle mobilisation violette a déferlé sur Genève le mercredi 14 juin 2023. Elle fait écho à la première grève du 14 juin 1991 et à la suivante le 14 juin 2019.

Les revendications sont multiples. Elles concernent les violences faites aux femmes, le remboursement des contraceptifs et l’inégalité salariale, entre autres.

Nous aborderons ici la question de l’inégalité salariale. Qu’en est-il réellement ? Comment s’expliquent les différences de salaire ?

Sommaire :

 

L’inégalité salariale – des chiffres qui varient

Trouver des chiffres pour documenter ce sujet n’est pas simple. Pour la plupart, les différentes sources que l’on peut consulter ne renseignent pas le même pourcentage d’inégalité salariale entre hommes et femmes.

Les grévistes parlaient durant la mobilisation de 20% d’inégalité salariale. Or, l’OFS a produit une étude en 2020l’écart relevait plutôt de 18% de différence, avec une part non expliquée de 7.8%. L’OFS distinguait également les secteurs privés et publics.

D’autres sources universitaires parlent quant à elle d’une différence de 5%, voire inférieure. Or, ces différences dans les chiffres ne sont pas anodines et peuvent être expliquées.

 

Comprendre les différences de salaires hommes-femmes

En effet, tout dépend finalement de la manière dont les calculs sont faits. Les chiffres qui sont autour de 20% résultent de moyennes prenant en compte tous les salaires des femmes, comparés à ceux des hommes.

Ce pourcentage inclut donc les différences qui peuvent s’expliquer par les choix de formations, de temps travaillé, d’expérience. Ces différences ne sont pas inutiles à considérer mais ont une explication autre qu’un potentiel sexisme de l’employeur.

Pour les pourcentage autour de 5%, il s’agit en effet de potentielles discriminations basées sur le genre uniquement. Or, la révision de la loi sur l’égalité de 2020 condamne déjà ces inégalités et oblige les employeurs à effectuer des analyses d’égalité salariale. Cependant, les contrôles sont difficiles à effectuer, puisque deux profils d’employés sont rarement exactement les mêmes.

Finalement, au-delà de la grande variation de chiffres expliquée par les points de vue des différents observateurs, l’inégalité salariale entre hommes et femmes existe et a de multiples explications.

 

Le choix du temps partiel chez les femmes

En Suisse, la majorité des femmes travaillent à temps partiel. Un choix qui a une répercussion non seulement sur les salaires mais aussi sur les retraites qui sont forcément moins élevées.

Des questions domestiques sont en cause pour expliquer cette décision. Si les tâches ménagères sont de plus en plus partagées entre les hommes et les femmes, c’est à ces dernières qu’elles reviennent le plus souvent.

Vient aussi la question des enfants. Dans les mentalités, la charge qu’ils représentent revient majoritairement aux femmes.

Les mères françaises installées en Suisse ont d’ailleurs témoigné du manque de structures pour permettre aux femmes de travailler à temps plein. Également, des questions et réflexions d’autres parents viennent souvent culpabiliser les mères qui travaillent.

Or, ces inégalités salariales induisent dans certains couples une dépendance des femmes vis-à-vis de leur conjoint.

 

Fruit d’une éducation genrée ?

Le choix du temps partiel peut s’expliquer de différentes façons. S’il est évident que les femmes ne sont pas faites génétiquement pour s’occuper de leurs foyers, il est possible de le vouloir.

En effet, il est important de respecter les choix de vie faits par les femmes et de ne pas les stigmatiser. Pour autant, la différence entre un choix éclairé et un choix guidé par une éducation genrée est parfois difficile à distinguer.

Ce point était d’ailleurs l’un des sujets évoqués par le manifeste de la grève féministe du 14 juin. Les progrès de ces dernières années existent mais n’effacent pas pour autant des siècles à considérer que les tâches domestiques reviennent uniquement aux femmes.

Par conséquent, des influences à la fois de l’entourage comme du système scolaire existent et peuvent pousser les femmes à penser qu’il s’agit de leur devoir. Les pressions extérieures sont aussi à prendre en compte pour expliquer le choix massif du travail à temps partiel.

 

D’autres points à prendre en compte

L’inégalité salariale ne s’explique pas pour autant uniquement par le temps partiel. Dans certains cas, c’est une difficulté à évoluer dans sa carrière qui est remarquée.

Ce point-ci est particulièrement pertinent pour les postes à haute responsabilité. L’écart salarial entre hommes et femmes y est l’un des plus importants. Cet écart s’explique en majorité par une stagnation des carrières féminines une fois arrivées à un certain niveau hiérarchique.

Cette stagnation peut s’expliquer de différentes manières. La cause la plus fréquemment évoquée reste tout de même une culture d’entreprise sexiste. Les postes à responsabilités seraient donc moins confiés aux femmes simplement parce qu’on leur fait moins confiance pour exercer ces fonctions.

Un autre point soulevé par les grévistes concerne les métiers généralement vus comme féminins. En effet, les carrières d’infirmières, d’agents d’entretien ou bien dans le secteur de l’esthétisme sont majoritairement exercées par des femmes.

Or ces métiers et les compétences requises pour les exercer sont jugés invisibilisés et, par conséquent, sous-payés.

Pour autant, il est pour le moins évident qu’une femme cadre sera mieux payée qu’un homme ouvrier, mais qu’un homme ouvrier sera sûrement mieux payée qu’une femme ouvrière. L’analyse par genre ne remplace pas l’analyse par classe sociale mais vient seulement l’enrichir. Ces deux analyses sont complémentaires.

 

Le long chemin vers l’égalité

Quoi qu’il en soit, la question de l’inégalité salariale entre hommes et femmes dépasse de loin le simple sexisme. Les femmes sont en moyenne moins payées que les hommes, c’est une certitude.

Pour autant, dans la grande majorité des cas, l’écart salarial ne repose pas sur une mauvaise volonté des employeurs. Les autres éléments qui expliquent cette différence ne sont pas moins intéressants à considérer. Ils relèvent cependant de facteurs sociétaux qui mettent du temps à changer.

Le manifeste de la grève féministe apporte des idées intéressantes pour rendre la situation plus égalitaire. Des sanctions envers ceux qui ne respectent pas la révision de la loi sur l’égalité, par exemple. Une prise en compte des parcours atypiques des femmes de la part des assurances sociales, également. L’idée étant que la plupart des assurances sociales se base sur un modèle de couple traditionnel qui ne correspond plus à la réalité actuelle.

Pourtant, comme pour toutes les mobilisations non-conventionnelles, le message passé est souvent flou et difficile à saisir. Ceux et celles qui auront vu défiler les pancartes retiendront probablement des slogans accrocheurs et diviseurs. Si ils en restent là, ils n’auront pas vu que la lame de fond du combat des femmes ne se situe pas en première ligne de ces manifestations. Nous assistons à une évolution inexorable vers l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Combat féministe ou combat des femmes ?

Tout combat politique porte des approximations, des outrances et des références symboliques excessives. Au-delà de cette effervescence, il est certain que le combat des femmes vers l’égalité est largement soutenu.

Ce chemin est long mais les votations, initiatives et contre-projets permettent de le raccourcir. De nouveaux partis empoignent le sujet avec réussite. C’est le cas des verts-libéraux qui viennent d’obtenir un congé parental de 24 semaines dans le canton de Genève.

Des municipalités ont soutenu ouvertement la grève. On peut donc espérer qu’elles expriment leur soutien avec des mesures efficaces et pratiques plutôt qu’avec des mesures symboliques et médiatiques. L’amélioration rapide de la garde de la petite enfance pour faciliter la réalisation professionnelle des femmes qui le souhaitent est une mesure urgente.

 

Notre dossier : Salaire suisse

About the author

Étudiante en science politique à l'université de Genève, Léa vit en France et s'intéresse particulièrement aux problématiques frontalières. Elle souhaiterait par la suite se spécialiser dans la communication et les médias.

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Commentaires

  1. Bonjour à tous et à toutes !

    Une semaine après la grève des femmes du 14 juin, nous nous intéressons aux inégalités de salaire entre hommes et femmes en Suisse. En effet, ce sujet était abordé par les grévistes et soulève de nombreuses questions.

    Qu’en est-il réellement ? À quoi sont-elles dues ? Comment pourrait-on y remédier ? Notre nouvel article « Inégalité salariale en Suisse, chiffres et réalités » donne quelques éléments de réponses.

    Bonne lecture !

  2. Un autre point de vue: Le MENSONGE des Inégalités Salariales Hommes Femmes - L’Enquête

  3. Et j’y rajouterai qu’en Suisse, dans tout couple marié, le second pilier est commun au couple. Quand monsieur cotise 1000 CHF sur son second pilier, il cotise en fait 500 pour lui et 500 pour elle.
    (la France pourrait en prendre de la graine)
    Par ailleurs quand Monsieur va mourir (bien plus vite que Madame), elle touchera jusqu’à la fin de sa vie (bien plus longue) une rente de veuve, donc touchera une rente provenant de l’activité salariée de défunt Monsieur.
    Et je rajouterai qu’à force d’avoir expliqué aux femmes que le foyer c’est l’enfer et le travail c’est le paradis, la Suisse se retrouve avec des taux de natalité catastrophiques ce qui au final mettra en péril tout le monde, hommes et femmes compris.
    Mais on peut les remercier quand même de s’être mis dans cette situation, cela procure beaucoup de travail aux frontaliers.

  4. Quand vous cherchez sur le salarium suisse, le salaire moyen d’un menuisier puis quand, par curiosité, vous souhaitez connaitre la moyenne des femmes dans ce métier, vous découvrirez que le salarium n’a PAS de statistique car n’y a quasi aucune femme menuisier. (idem pour une longue liste de métier).

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