Plus personne ne l’ignore aujourd’hui, les prix augmentent. Que ce soit les courses ou les factures, la vie coûte de plus en plus cher. Cette préoccupation a été brandie pour initier des grèves en France et à Genève.
La Suisse ne produit qu’une partie de ses besoins énergétiques. Les importations d’électricité sont conséquentes et proviennent d’autres pays européens. Ces pays rencontrent aujourd’hui des difficultés à produire du courant. La situation se tend, les coûts augmentent.
De combien les factures vont-elles augmenter ? Comment l’expliquer ? Qu’est-il envisagé pour résoudre ce problème ? Le nucléaire est-il de retour ? Notre rapport à l’énergie va-t-il changer ?
Sommaire :
- L’augmentation des prix de l’électricité
- La dépendance suisse aux importations d’énergie
- Les échanges d’électricité avec la France
- De l’électricité européenne pour la Suisse ?
- Tarifs de l’électricité : baisse de l’offre, hausse de la demande
- Les conséquences sur les ménages
- Les conséquences sur les entreprises
- Les mesures prises par le Conseil Fédéral
- Réduire notre consommation d’électricité
- La sobriété énergétique, éolien, solaire ?
- Le retour en grâce du nucléaire ?
- Notre Dossier : Suisse et Europe
L’augmentation des prix de l’électricité
En moyenne, les prix de l’électricité seront plus élevés de 27% en Suisse. Une moyenne qui ne permet toutefois que d’avoir une idée globale de la situation.
La Suisse romande est la plus touchée par les augmentations, bien que les cantons de Neuchâtel, du Jura et de Genève observent des hausses moins importantes.
En Suisse alémanique, le courant augmente de manière bien plus hétérogène. Bon nombre de communes du canton de Berne bénéficieront d’augmentations moins importantes que le reste de la Suisse. Pourtant c’est aussi dans cette zone que l’on observe les plus grandes augmentations, avec des hausses de 100, voire 200% sur de petites communes.
Pour finir la Suisse italienne et surtout le canton du Tessin souffrent un peu moins que les autres de l’inflation. Les prix augmentent mais à un taux qui ne dépasse pas les 20%, ce qui reste inférieur à la moyenne donnée.
Alors quel prix moyen pour un appartement en Suisse ? Pour un habitant de Genève qui consommerait 4500 kWh en une année, la facture s’élève aujourd’hui à 886 CHF par an. Avec l’augmentation de 22,8% pour 2023, sa facture sera de 1’089 CHF soit 203 CHF de plus que l’an passé. Une augmentation considérable qui risque de peser lourd sur les budgets.
Les estimations de la RTS par commune pour un ménage qui consomme 4’500 kWh/an détaillent les prix de l’électricité par commune. Elles offrent un bon aperçu des augmentations de 2023.
Des cantons plus touchés que d’autres
Les cantons les plus touchés par ces augmentations de prix sont le canton de Vaud et du Valais. Les factures d’électricité de leurs habitants connaîtront une hausse d’environ 30 à 50%.
Quelque chose d’autant plus difficile à concevoir lorsque certaines communes voisines de ces cantons ne voient les prix augmenter que de 10 ou 20% en 2023. Il y a plusieurs choses à prendre en compte pour l’expliquer.
Contrairement à la France, il n’y a pas en Suisse de géant de la fourniture de l’énergie électrique aux particuliers. Les prix n’augmentent pas uniformément parce que les cantons et les communes ne gèrent pas leurs approvisionnements énergétiques de la même façon.
Elles utilisent les services d’entreprises, de régies locales comme les Services Industriels de Genève, les services industriels de Lausanne, Viteos à Neuchâtel… chacune est indépendante dans ses choix, ses investissements, ses approvisionnements, ses initiatives pour rendre un territoire moins énergivore.
De bonnes nouvelles ?
Avec des prix qui sont dans l’ensemble assez uniformisés entre les différents cantons… et élevés, les bonnes nouvelles viennent de localités qui ont bâti une moindre dépendance aux marchés de l’énergie, ou qui ont anticipé l’augmentation.
On peut citer à titre d’exemple la ville de Gland qui connaît une augmentation de ses prix moins importante que les autres communes de Vaud. Cela s’explique par ses investissements dans le photovoltaïque et l’énergie thermique. Cette politique énergétique locale lui permet d’être moins impactée par la hausse des prix sur les marchés.
Par ailleurs, si le Tessin se trouve relativement épargné, c’est qu’il applique déjà un tarif élevé d’environ 25 ct par kWh. En effet, les prix à Vaud et dans le Valais se situent plutôt aux alentours de 20 ct par kWh. Ainsi, en 2023, la différence de prix ne sera que de deux ou trois centimes entre les deux cantons.
La dépendance suisse aux importations d’énergie
Comme nous l’avons précédemment évoqué dans notre article Black-out helvétique , la Suisse importe la majorité du courant qu’elle consomme. Or, les pays européens exportateurs rencontrent eux-mêmes d’importantes difficultés sur ce plan.
Des difficultés qui sont bien sûr liées à la guerre qui sévit actuellement en Ukraine et privent l’Europe d’un de ses importants fournisseurs de gaz. La guerre n’est pourtant pas seule responsable de cette pénurie de courant.
Les échanges d’électricité avec la France
La Suisse échange habituellement de l’électricité avec la France. En été, l’électricité des barrages suisses est exportée vers la France. En hivers c’est la Suisse qui importe l’électricité française. La France rencontre actuellement d’importantes difficultés au niveau énergétique. Victimes de problèmes de corrosion, sur 56 réacteurs nucléaires, seuls 24 seraient actuellement en mesure de produire du courant. Le nombre de réacteurs à l’arrêt aura un effet sur l’approvisionnement de la France … et de la Suisse.
A ces problèmes techniques vient s’ajouter le calendrier des saisons (avec l’arrivée de l’hiver) et un calendrier politique. En effet, les élections professionnelles françaises auront lieu en décembre 2022. Ces élections sont cruciales pour les syndicats. Les moyens qui leurs seront alloués dépendent de leurs résultats aux élections. Des centrales syndicales misent sur leur combativité pour bénéficier de bons résultats. Après les grèves dans les rafineries, arrive maintenant la grève dans les centrales nucléaires d’EDF. L’EDF indique que cette grève va retarder le redémarrage des réacteurs.
De l’électricité européenne pour la Suisse ?
Dans ce contexte de pénurie, les tractations européennes sont chaudes. L’Allemagne serait disposée à envoyer de l’électricité (produite par ses centrales à charbon) à la France en échange de gaz. Le prix de l’exportation allemande serait indexé sur le prix de l’électricité produite la plus chère : celle-ci dépendant du prix du gaz.
La pilule est dure à avaler pour la France… sa production nationale est moins chère. Les mécanismes de Bruxelles vont l’amener à payer davantage à l’Allemagne… à cause des mauvais choix de l’Allemagne en matière de politique énergétique.
En conséquence, il y a de la tension dans les négociations entre les deux grands pays européens pour subvenir à leurs besoins. Il n’est donc pas certain que les exportations vers la Suisse soient à l’ordre du jour.
Tarifs de l’électricité : baisse de l’offre, hausse de la demande
Notre consommation d’électricité est de plus en plus importante . En 2000, 52 TWh de courant étaient consommés en Suisse. En 2021, ce chiffre était de 58,1 TWh. L’accroissement de la population, la reprise industrielle après la crise du COVID-19 font que nos besoins en électricité sont croissants.
Les appareils électroniques se font eux aussi de plus en plus nombreux et une part importante des voitures en circulation fonctionne désormais grâce au courant. Des changements qui nous rendent plus dépendant à cette ressource dont la production est contrainte.
Or la Suisse n’étant pas membre de l’Union Européenne, des questions préoccupantes concernant l’électricité se posaient déjà avant même qu’elle ne vienne à manquer. L’échec de l’accord cadre prévu pour remplacer les bilatérales Suisse / UE risque de rendre encore plus difficile la circulation d’électricité.
Les conséquences sur les ménages
Ces augmentations de prix de l’énergie pèsent sur les budgets des ménages déjà contraints par l’inflation. En France et même à Genève, des revendications réclament des augmentations de salaires de même proportion que l’inflation.
Les grèves de fonctionnaires et de chauffeurs de bus de Genève soutenue par l’extrême gauche genevoise témoignent de la contagion du climat social par delà la frontière.
Les conséquences sur les entreprises
Par le passé, les entreprises ont bénéficié d’un accès facilité au marché de l’énergie. Des nouveaux opérateurs proposaient des tarifs sans concurrence lorsque les prix étaient bas. Ces mêmes opérateurs proposent maintenant des tarifs exorbitants à leurs clients. Les clients qui les avaient choisis voient leur charges exploser. C’est le cas de fonderies suisses particulièrement gourmandes en énergie.
Côté français, ces cas se multiplient aussi, mais l’État français a une botte secrète pour éviter les faillites : obliger EDF à leur vendre de l’électricité à prix cassés. Nous verrons comment va réagir le Conseil Fédéral. Il y a quelques semaines, Berne en était encore à une campagne de sensibilisation destinée aux particuliers sur la meilleure façon de faire bouillir une casserole d’eau.
Dans cet esprit, plusieurs entreprises et institutions ont déjà annoncé des mesures pour limiter leur consommation. Genève a par exemple déjà appelé ses entreprises à réduire leur consommation et Manor, Migros, Aldi et Coop ont communiqué sur le sujet.
Les mesures prises par le Conseil Fédéral
La Confédération a publié son plan pour faire face à la crise énergétique. Ce plan devrait compléter les actions individuelles, même si la première étape vise d’abord à nous inciter à limiter notre consommation.
La deuxième étape, en revanche, concerne moins les ménages, même si les effets seront très concrets. Il s’agit de restreindre des activités non essentielles et coûteuses en électricité. Par exemple, les décorations lumineuses de Noël seront sûrement moins nombreuses que les autres années.
Les troisièmes et quatrièmes étapes visent à fixer des limites aux consommations d’électricité, voire à couper le courant pour quelques heures. Ces mesures inédites traduisent bien la gravité de la situation. Elles impacteront forcément nos quotidiens.
Il y a dans ces mesures une grande part interprétative. En effet, la Confédération se contente d’abord de faire des recommandations. C’est alors aux cantons, entreprises et consommateurs d’aviser comment ils souhaitent les appliquer. Comme lors de la pandémie, on peut imaginer que si la situation vient à s’empirer fortement, la Confédération se fera directive.
Réduire notre consommation d’électricité
Si l’on ne peut pas agir sur les augmentations de prix, nous pouvons au moins agir sur notre consommation d’électricité. Des changements d’habitude peuvent être bénéfiques, sans coût supplémentaire en temps ou en argent.
Le mode éco sur les appareils électroniques, machines à laver, sèche-linges et lave-vaisselle. Ils permettent d’économiser du courant et réduisent les factures. De même, il est conseillé d’attendre que ces appareils soient pleins pour les mettre en route. Certains appareils électroniques consomment moins que d’autres, il est donc important de faire attention aux étiquettes énergie à chaque achat.
Changer les ampoules halogènes par LED qui consomment moins et ne sont généralement pas plus chères que les halogènes.
D’autres initiatives plus coûteuses seront très efficaces : isolation des logements, équipements en panneaux solaires…
La sobriété énergétique, éolien, solaire ?
La stratégie adoptée pour faire face à la crise est celle de la sobriété énergétique. On restreint notre consommation d’une ressource qui manque. Néanmoins, il est logique de penser que la situation mériterait une reconsidération de la manière dont l’énergie est gérée plus largement.
Une question plus complexe qu’elle n’y paraît, étant donné que la Suisse a elle-même investi dans l’hydraulique. Une production électrique non polluante mais qui ne suffit pas à subvenir à ses besoins en hiver, où les rendements sont plus faibles. Quant à l’éolienne et le solaire, leur bilan carbone reste aujourd’hui plus élevé que celui du nucléaire.
La crise soulève de nombreuses questions. Ces dernières années la cause semblait entendue, l’avenir serait aux énergies renouvelables.
La présente crise rebat les cartes… en faveur du nucléaire. Les réacteurs condamnés ne fermeront pas, des réacteurs en maintenance redémarrent. L’Europe va se reposer sur le nucléaire pour s’alimenter en électricité.
Le retour en grâce du nucléaire ?
Sachant que compter sur les exportations européennes deviennent de plus en plus risquées, des choix difficiles doivent donc être faits. Investir dans l’indépendance énergétique de la Suisse reste coûteux et soulève d’autres questions.
Le nucléaire pose des problèmes environnementaux, transforme la biodiversité environnante. Il repose sur une ressource qui vient de l’étranger. L’entretien des centrales est aussi un sujet critique.
Néanmoins, quand les énergies fossiles sont moins accessibles, le choix d’investir entre les énergies renouvelables ou le nucléaire devient vital. Le perdant de ces dernières années (le nucléaire) semble commencer à apparaître moins “mauvais”. Son bon EROEI (Energy Returned on Energy Invested) recommence à être pris en compte : EROEI de 50 pour l’hydroélectrique, 50 pour le nucléaire, 5 pour l’éolien avec stockage et 5 pour le solaire avec stockage.
“Le monde sans fin” de Jean-Marc Jancovici, BD de vulgarisation publiée chez Dargaud, cadeau de Noël conseillé pour ceux qui souhaitent des explications chiffrées sur notre consommation d’énergie au travers des siècles.
Quoi qu’il en soit, la crise énergétique a au moins l’effet positif de nous faire prendre conscience que la production d’électricité n’est pas illimitée et que notre rapport à l’énergie est en train de changer.
Bonjour,
Nos factures électriques vont augmenter drastiquement. En moyenne +27% sur l’ensemble de la Suisse. Ces coûts vont s’ajouter à l’inflation et à l’augmentation des primes pour 2023.
Pour répondre à ces questions, ou tout du moins pour donner des pistes de réflexion, nous venons de publier un article « En Suisse, les prix de l’électricité explosent » qui aborde ces différents points.
Bonne lecture !
Quand j’arrive à mon site industriel le matin il est 5h44. Les lumières de toutes les salles de réunion sont allumées. Quand je vais devant mon bureau : des écrans partout. Même pour réserver un bureau….
Des tas de Tesla partout. Mais contre le nucléaire en Suisse ? Oups. On achète de l’énergie à la France… watt alors
Posez vous les bonnes questions