La hausse des prix en Suisse est bien visible. La BNS riposte avec une nouvelle stratégie ! Quelles implications pour les entreprises, les résidents et les frontaliers ?
Dans nos précédents articles, nous avons survolé les défis que rencontre la Zone euro. Nous allons maintenant nous plonger dans la vie concrète des particuliers et des entreprises.
Dans cet article, nous verrons comment la société suisse s’adapte. Comment vont naviguer les entreprises, les résidents suisses et les frontaliers.
Sommaire :
- La Suisse s’adapte – la nouvelle stratégie de la BNS
- La question des hausses de salaire
- Résidents en suisse – des chocs maîtrisés
- Les frontaliers – les grands gagnants
- La nouvelle donne européenne
La Suisse s’adapte – la nouvelle stratégie de la BNS
Pendant une décennie, la stratégie du franc faible
Depuis plus de 10 ans, l’enjeu principal de la Banque nationale suisse était de protéger les industries exportatrices.
En Suisse, les exportations sont plombées lorsque le franc suisse s’apprécie. Et c’est très souvent le cas. En effet, lorsque la situation économique est instable, le franc suisse devient une monnaie refuge. Sa demande et sa valeur augmentent.
Lorsque le franc suisse s’apprécie, les produits suisses deviennent plus chers à l’exportation. Les étrangers qui veulent acheter des produits suisses doivent débourser davantage. De ce fait, ils sont moins compétitifs à l’international. En bref, la hausse du franc pèse sur la compétitivité des entreprises suisses.
Pendant cette décennie, la mission de la BNS a donc été de s’assurer que le franc suisse ne devienne pas trop fort. Une attention particulière était portée sur l’euro puisque les Européens sont les principaux partenaires commerciaux de la Suisse.
Des caisses pleines d’euros
En septembre 2011, la BNS a introduit un cours plancher face à l’euro pour rassurer les industries exportatrices. Celui-ci a perduré jusqu’en 2015. La tension sur le cours chf/euro s’est un peu calmée et s’est ensuite fortement ravivée.
Comment la BNS contribue à maintenir le franc suisse en dessous d’une certaine valeur ? Il lui suffit d’acheter massivement de l’euro avec du franc suisse. Ce faisant, elle renforce l’euro qui devient très demandé. Elle réduit la valeur du franc suisse qui est beaucoup vendu.
En conséquence, les réserves de la BNS sont pleines d’euros et son bilan comptable s’est alourdi.
Maintenant, la stratégie du franc fort
Aujourd’hui, les priorités ont changé. L’objectif principal est de lutter contre l’inflation galopante. Elle est de 3.4 % en Suisse, alors que le mandat de la BNS l’oblige à la maintenir aux alentours de 2%.
Pour atteindre cet objectif, le franc fort est une bénédiction. La nouvelle stratégie de la BNS consiste à préserver la force du franc suisse par rapport au dollar.
Si le pouvoir d’achat du franc suisse augmente, cela veut dire qu’avec la même quantité de francs, on peut acheter plus de dollars, donc plus de pétrole et de gaz.
En effet, pour contrer l’inflation, il faut contrer la hausse des matières premières. Or, ces matières premières s’achètent en dollars. Plus le cours du franc suisse est élevé face au dollar, moins ces importations vont être coûteuses pour l’économie suisse.
En achetant du franc suisse avec ses euros, la BNS vide ses réserves d’euros. Elle réduit son Bilan comptable. Entre juin et juillet 2022, la BNS a déjà acheté pour 50 milliards de CHF !
Le tourisme et les industries exportatrices en première ligne
Évidemment, ce franc fort va péjorer les exportations. Mais les entreprises suisses ont réussi à s’adapter à un franc très élevé. Maintenant, le coût de l’énergie est le principal problème rencontré par les entreprises et les particuliers.
Le tourisme en Suisse, spécialement pour la clientèle européenne, risque d’en souffrir. En revanche, l’effet est plutôt neutre sur les autres secteurs d’exportation car ceux-ci gagnent sur le coût en franc suisse de l’importation de leurs composants.
La hausse des taux
Pour juguler l’inflation la BNS peut influer sur les taux d’intérêt des banques commerciales.
Rappelons rapidement le mécanisme : Les banques commerciales ont un compte à la BNS. C’est l’argent qu’elles ont à disposition pour faire des prêts. La BNS peut ajuster le solde de ces comptes. Forcément, si ce compte contient moins de liquidités, les banques vont faire moins de prêts et être plus exigeantes.
En fournissant plus de liquidités aux banques commerciales, les prêts aux particuliers deviennent moins chers et les taux d’intérêt baissent.
Le taux directeur de la BNS a été relevé de 50 points de base. Il s’établit maintenant à -0.25%.
La question des hausses de salaire
Si la BNS fait tout son possible pour juguler l’inflation, il n’en reste pas moins que la hausse des prix est bien présente. De nombreux particuliers s’en sortent tout juste et l’inflation risque de les faire basculer dans la pauvreté. Face à cette situation, les syndicats se mobilisent et tentent de forcer le dialogue social.
L’exigence des syndicats
L’Union syndicale suisse (USS) est offensive. Elle exige une augmentation de salaire générale d’environ 5%.
Ses inquiétudes sont fondées. Hausse générale des prix, augmentation des primes maladies, votation sur l’âge de la retraite… Les tensions sociales risquent de s’intensifier dès la rentrée de septembre.
Pour Pierre-Yves Maillard, Président de l’USS, cette mesure est urgente et nécessaire. Ne pas toucher les salaires alors même que le coût de la vie grimpe, reviendrait à plonger une bonne partie de la population dans la pauvreté.
La réponse du patronat
Pour l’Union patronale suisse (UPS), l’augmentation des salaires doit être décidée au cas par cas et prendre garde à ne pas terminer en autogoal.
L’UPS rappelle que de nombreuses entreprises ont vécu sur leurs réserves durant la pandémie. De plus, elles se retrouveront en première ligne cet hiver, en cas de rationnement énergétique.
Ces risques doivent être intégrés dans les prises de décisions des entreprises et une augmentation directe, massive et généralisée des salaires pour s’avérer contre-productif pour l’économie sur le moyen terme.
Des augmentations différenciées
La Suisse est un pays de concession et de compromis. Il y a fort à parier que les salaires augmenteront mais de manière différenciée et de moins de 5 %.
C’est en tout cas ce que prévoit une étude de l’EPFZ. D’après ses calculs, 2023 verrait une augmentation des salaires de 2.2 % en moyenne. Ces augmentations viendront compenser une augmentation des prix estimée à 2.8 % sur l’ensemble de l’année.
Bien entendu, cette augmentation est variable suivant les branches d’activité. L’hôtellerie et la restauration devraient voir une augmentation salariale de l’ordre des +4.4 %. Une forte hausse qui provient essentiellement du manque de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur.
Un boost qui inquiète le patronat d’une branche qui sera la plus touchée par la nouvelle stratégie de franc fort de la BNS.
Dans d’autres branches, la hausse serait bien plus modeste. C’est par exemple le cas du secteur financier avec des augmentations d’environ +1.5 %.
Résidents en suisse – des chocs maîtrisés
Pour les résidents suisses, le bateau devrait être bien secoué mais réussira à garder le cap.
La hausse des prix se fait déjà ressentir dans la vie quotidienne. Cependant, la nouvelle stratégie de la BNS devrait réussir à contenir la montée de l’inflation.
Bien entendu, le franc fort va péjorer les entreprises exportatrices mais celles-ci gagneront sur l’ensemble des composants qu’elles importent. Pour passer 2023, les entreprises devront être résilientes et innovantes.
Le tourisme suisse fait face à une situation difficile. Avec une parité CHF/EUR inversée, l’attractivité suisse a du plomb dans l’aile. Elle devra peut-être se focaliser sur les suisses qui veulent visiter leur propre pays et surtout sur la classe moyenne asiatique qui se développe à vive allure.
D’aucuns sont peut-être tentés d’acheter massivement des euros en attendant un prochain retour à la “normale”. Au vu des tendances de fond analysées dans le précédent article, cet investissement est très risqué. En effet, bien que l’achat d’euro soit devenu bon marché, rien n’indique que la parité CHF/EUR reprendra ses vieilles habitudes.
La mauvaise nouvelle pour les résidents suisses, c’est que dans les prochaines années, les taux d’intérêts pourraient s’envoler. Les crédits ne seront plus aussi bon marché. Les hypothèques coûteront plus cher. Pour les entreprises, le financement sera plus coûteux. La croissance suisse risque bien de ralentir.
Les frontaliers – les grands gagnants
Les frontaliers sont gagnants sur tous les fronts. Ils bénéficient d’un salaire en monnaie forte qui devrait encore s’apprécier grâce à la nouvelle politique de la BNS.
De plus, leur salaire pourrait bien augmenter ces prochains mois. Ils bénéficient donc d’un taux de change exceptionnel sur un un salaire qui devrait augmenter et avec une devise qui devrait se renforcer.
Pour les frontaliers qui habitent en France, le différentiel de l’inflation n’est pas si énorme. Certes l’inflation française est plus élevée que l’inflation suisse mais elle reste l’une des plus faibles d’Europe.
La nouvelle donne européenne
Dans cette série d’articles, nous sommes partis d’un constat : l’euro baisse face au franc suisse et au dollar américain.
En tirant ce fil, nous avons tenté de mieux comprendre les perspectives de l’ euro.
Face à ce constat, nous avons analysé la réponse de la Suisse. La nouvelle stratégie de la BNS est un message fort sur sa vision de la Suisse. La priorité consiste à tacler l’inflation dans le pays.
La BNS avait les yeux rivés sur l’euro, maintenant, c’est le dollar qui l’importe. Elle s’est placée dans une perspective mondiale plutôt que strictement européenne. Elle a mis la priorité sur la résolution de ses difficultés domestiques plutôt que de s’enferrer dans une logique de blocs.
Pragmatique, Libérale, Ouverte, Souveraine, pour l’instant, la Suisse maintient le cap de sa prospérité. Les bulletins de météo économique prévoient tempête sur les marchés des énergies cet hiver. Nous verrons alors si le cap peut être maintenu. Reste aux particuliers et aux entreprises à maintenir leurs vaisseaux à flot.
La hausse des prix est visible en Suisse. La Banque nationale Suisse riposte avec une nouvelle stratégie !
Pour répondre à ces questions, nous venons de publier un article « Hausse des prix en Suisse, la BNS riposte 3/3 ». C’est la troisième partie de notre série consacrée à la Zone euro.
Bonne lecture !
Bon article car il a je pense ciblé les 2 points principaux de ce qui est effectivement un changement de stratégie: lutter contre l’inflation et préserver la force du franc suisse par rapport au dollar
Au niveau pratique pour moi, la stratégie entamée se poursuit: garder le plus de chf possible et donc vider progressivement les comptes dépots en euros détenus en France (et utiliser ces fonds pour les frais quotitien au lieu de virer le salaire et de le convertir en euros).
Pourquoi garder des chf ?
Aujourd’hui on a quand même plus d’euros.
Bonjour,
Si vous convertissez tous vos chf en euros qu allez vous faire de votre épargne en euro ?
Si votre épargne en euro dort sur des comptes courants et que la valeur de l euro continue à dévaluer sur les 10-20 années alors que vous restera t il à la retraite ?
La stratégie de @Hibou est de miser sur le chf en pensant qu’il vaudra plus dans 10-20 ans.
Vous convertirez alors à la retraite les euros dont vous aurez besoin.
Dans 10 ou 20 ans, on sera peut être au même niveau qu’en 2007 (j’en doute). C’est de la spéculation de penser que ça va dévaluer encore. A la retraite, il y aura quand même toutes les cotisations du 2eme pilier qui sont chf. Ca représentera également un beau montant