De nouvelles réformes de l’AVS en Suisse

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Hausse des primes maladie, des loyers, du chauffage, de l’électricité. Ces dernières années, le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes a fortement diminué. Pour certains, des augmentations salariales permettent d’absorber le choc de ces hausses de prix. Pour les retraités en revanche, le coup est dur à encaisser. 16% des 65 ans et plus sont proches du seuil de pauvreté.

Sans deuxième pilier complet et sans troisième pilier, leur revenu se limite à l’AVS (environ 60% des derniers salaires). Le premier pilier est l’emblème de la solidarité nationale en Suisse. Et pourtant, nombreux sont ceux qui ne croient plus en ce mécanisme.

Beaucoup de jeunes actifs pensent qu’ils n’auront aucune retraite. Pour espérer toucher une rente confortable lorsqu’ils ne pourront plus travailler, ils ne comptent que sur eux-mêmes par des investissements privés ou un troisième pilier.

Pour contrer ce scénario pessimiste, des réformes ont été entreprises. Relèvement de la retraite des femmes à 65 ans, hausse de la TVA, AVS21, RFFA, etc.. Mais cela ne semble toujours pas suffire. Le 3 mars 2024, deux votations suisses ont concerné l’AVS.

Mise à jour du 04.03.2024 :
Le Peuple et les Cantons ont plébiscité l’initiative des syndicats avec une très large majorité de 58.2% des voix. Le résultat est sans appel : les suisses auront une 13ème rente AVS.

La seconde initiative en votation, celle des jeunes PLR qui visait à lier l’âge de la retraite à l’espérance de vie, a été balayée par 74.72% de la population.

Les débats sur l’AVS ont été rudes ces dernières semaines. La population suisse réaffirme ainsi de manière claire son attachement au premier pilier de la prévoyance.

Le Parlement doit maintenant élaborer les contours précis de cette réforme et trouver les moyens de financement adéquats. Aucun doute sur le fait que cette 13ème rente n’a pas encore fini d’enflammer le débat politique en Suisse.

Vous pouvez utiliser le calculateur AVS de notre partenaire helvicare pour estimer rapidement le montant de votre future rente AVS.

Cet article décrit le fonctionnement du premier pilier en Suisse. Il analyse les deux propositions de réforme. C’est utile pour les citoyens helvétiques qui vont voter. C’est aussi important pour les futures rentes suisses des nouveaux arrivants et des frontaliers.

Sommaire :

Quels sont les objets en votations ?

Le 3 mars 2024, deux objets ont été en votation populaire :

  • Initiative populaire “Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS)”
  • Initiative populaire “Pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne (initiative sur les rentes)”

La première initiative vise à augmenter les rentes de vieillesse de l’AVS d’une rente mensuelle supplémentaire. Un peu comme un 13ème salaire mais pour les retraités.

La deuxième initiative veut relever l’âge de la retraite à 66 ans pour les hommes et les femmes et l’indexer automatiquement sur l’espérance de vie.

Le Parlement et le Conseil fédéral recommandent de voter non aux deux initiatives.

La 13e rente AVS

En Suisse, le débat sur la 13e rente AVS a été féroce. Les syndicats et les socialistes défendait l’initiative. La droite s’acharnait à démontrer que le système actuel de l’AVS doit être réformé et que ce serait encore bien pire avec une AVS plus élevée.

Il faut dire que les premiers sondages mettent le feu aux poudres. L’initiative pourrait bien être acceptée par le Peuple alors même que le Conseil fédéral et le Parlement recommandent de rejeter l’initiative – phénomène assez rare en Suisse.

Le système suisse de la pré
voyance fonctionne sur 3 piliers. L’AVS est le premier d’entre eux, sa rente devrait correspondre à environ 60% des derniers salaires. La LPP et un éventuel troisième pilier viennent ensuite combler les 40% restants.

Au-delà des slogans politiques, pour s’élever au-dessus du marketing politique et comprendre réellement les enjeux, il convient tout d’abord de bien comprendre la manière dont fonctionne réellement l’AVS.

Comment fonctionne l’AVS ?

L’acronyme AVS signifie “assurance vieillesse et survivant”. Il s’agit d’un mécanisme obligatoire qui prélève une partie du salaire des employés pour leur assurer une retraite lorsqu’ils seront seniors.

Avant son introduction en 1948, les personnes âgées qui ne pouvaient plus travailler se retrouvaient du jour au lendemain sans aucun revenu. Leur survie dépendait alors de leur famille ou de la charité de l’Eglise. L’AVS est venue corriger cette situation. Elle assurait une retraite décente à chacun. Mais comment ce système fonctionne-t-il ?

De nombreux résidents suisses pensent que l’argent prélevé sur leur salaire (5.3% de cotisation pour l’employé et 5.3% pour l’employeur) vient se placer sur un compte individuel. En réalité, ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. Le système est en flux tendu. L’argent des actifs est directement versé aux retraités qui en ont besoin. L’argent que vous toucherez lors de votre retraite n’est donc pas le vôtre mais celui que les travailleurs du futur vous verseront.

Pour le dessiner plus concrètement, voilà le parcours de votre argent ; chaque mois, des charges salariales prennent une partie de votre salaire. Cet argent va dans la caisse de compensation AVS de votre canton.

Votre argent est directement viré par votre caisse de compensation dans une immense caisse qui s’appelle la centrale de compensation. Cette caisse est située à Genève et récupère tous les revenus destinés à l’AVS au niveau fédéral.

Cette centrale de compensation fait la comptabilité de chaque caisse cantonale et envoie ensuite votre argent chez compenswiss. C’est une institution de droit public qui va faire des placements financiers pour essayer de faire fructifier cet argent et obtenir des taux d’intérêts intéressants. Oui, l’argent de l’AVS est également placé sur les marchés financiers pour ceux qui en doutaient.

Quand une caisse de compensation cantonale doit verser des rentes, elle fait un appel de fonds à compenswiss.

Précisons encore qu’au niveau du financement, l’argent de l’AVS n’est pas le seul à venir remplir les caisses de l’AVS. Une partie de la TVA et les revenus des maisons de jeux sont également des sources importantes dans le financement des retraites en Suisse.

Tout ce système est chapeauté par l’Office fédérale des assurances sociales.

Des arguments fallacieux de chaque côté

L’argument du vieillissement de la population

Pourquoi ne pas permettre aux seniors de mieux vivre ?

L’argument principal du discours contre cette initiative est basé sur le vieillissement de la population et la pérennité de l’AVS. Aux débuts de l’AVS, en 1948, il y avait un ratio de 6 cotisants pour un rentier. Aujourd’hui, nous serions à 3 cotisants pour un rentier. Et en 2050, il n’y aurait plus que 2 cotisants pour un rentier.

Ces chiffres sont toujours les mêmes et sont repris jusqu’au Conseil fédéral. Seulement voilà, ils ne sont pas vraiment justes. Disons plutôt qu’ils sont trompeurs.

En effet, ces calculs ne prennent pas en compte le nombre d’actifs effectifs, c’est-à-dire de salariés qui cotisent. Non, ils prennent en compte les adultes, alors même que de nombreux adultes ne travaillent pas.

Ainsi, en 1948, une grande partie des femmes ne travaillaient pas, alors qu’elles étaient adultes. Il n’y avait donc pas vraiment 6 cotisants pour un rentier, si la moitié de ces “cotisants” étaient des femmes au foyer. De même, cette simplification mathématique de la réalité sociale ne prend pas non plus en compte les gains de productivité et les augmentations de salaires.

Selon les syndicats, après correction, on s’aperçoit que le nombre de cotisants par rentier s’avère relativement stable à 3:1 depuis la création de l’AVS.

L’argument du bonus inutile aux riches

Autre argument clé des libéraux ; il vaudrait mieux augmenter les prestations complémentaires pour ne pas enrichir davantage les riches retraités. Il est vrai que les rentes AVS sont distribuées à tout le monde. Cet argument est donc tout à fait correct dans le fond. Ce qui est trompeur dans cette rhétorique, c’est qu’elle semble dire que cette mesure serait favorable aux riches et qu’elle serait anti-sociale.

Disons le clairement, les riches ne sont pas ceux qui bénéficient de l’AVS. Ils paient des cotisations sociales largement plus élevées que les classes moyennes et ce sont eux qui permettent qu’un salaire moyen touche 6x plus de rentes à la retraite que ce qu’il verse au cours de sa vie. 90% des salariés reçoivent plus à la retraite que ce qu’ils ont cotisé durant leur vie professionnelle. De plus, le plafond maximum des rentes est seulement de 2’450 CHF pour une personne seule et de 3’675 pour un couple marié.

Au vu de cette asymétrie entre les classes moyennes et les personnes riches, il serait bien injuste de les exclure en plus de cette augmentation. Pour que le mécanisme de solidarité perdure, il doit fonctionner de la même manière avec chacun.

Comme alternative pour éviter de donner un bonus aux gens aisés, les libéraux proposent aussi de renforcer les prestations complémentaires. Là encore, l’argument manque sa cible.

Le renforcement de l’AVS est une mesure pour les classes populaires mais également et surtout pour les classes moyennes. Ce sont souvent ceux qui sont juste trop riches pour ne pas avoir droit aux prestations complémentaires et/ou aux subsides de l’assurance maladie qui se retrouvent le plus en difficulté.

L’argument des milliards de réserve

En revanche, les milieux syndicaux arguent souvent que les réserves de l’AVS sont bien suffisantes, puisqu’il y a un fond d’environ 50 milliards de réserves.

Là encore, l’argument est malheureusement irrecevable. En effet, il y a une réserve de 50 milliards mais cet argent ne peut légalement pas être distribué. L’AVS a l’obligation légale de pouvoir distribuer une année de rente sans toucher le moindre revenu. Après calcul, elle devrait donc disposer de … 50 milliards.

Cet argent n’est pas une réserve mobilisable issue de bénéfices, c’est juste un fond dont elle dispose pour ne pas être hors la loi. Mobiliser ce fond comme solution pour le financement d’une 13e rente est donc malvenu, à moins d’un changement législatif. De plus, la crise du Covid nous a rappelé que des réserves sont bien nécessaires pour protéger la population.

Une retraite à 66 ans pour tous

Observons à présent le deuxième objet des votations du 3 mars 2024.

Alors même que le peuple suisse vient d’accepter (difficilement) d’augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, l’initiative des jeunes PLR vient proposer une année supplémentaire, pour tous, dès 2033.

Augmenter l’âge de la retraite permet en effet de diminuer les dépenses de l’AVS. Encore faut-il que les seniors puissent trouver du travail. Trouver du travail lorsqu’on dépasse les 60 ans est presque mission impossible. Sans volonté politique allant en ce sens, d’autres augmentations de l’âge de la retraite restent difficilement envisageables.

Mais ce n’est pas tout, car la proposition va plus loin. Elle souhaite automatiser l’augmentation de l’âge de la retraite en fonction de l’espérance de vie en Suisse. Si l’espère de vie ne change pas, il y aurait donc passage automatique à 67 ans en 2043 et 69 ans en 2070.

Notons que dans d’autres pays européens, ce mécanisme est déjà en place. C’est par exemple le cas des Pays-Bas et du Danemark. C’est également le cas au Portugal où, via ce mécanisme, l’âge de la retraite a récemment diminué en raison des forts décès liés au Covid.

Le PLR et l’UDC viennent soutenir cette initiative. Pour les nombreux opposants en revanche, ce mécanisme d’automatisation pose problème. Le Centre par exemple, soutient que le rendez-vous démocratique où l’on décide collectivement de l’âge de la retraite est indispensable. Le Conseil fédéral rejoint ce point de vue, le financement de l’AVS doit rester le fruit d’un compromis politique.

Se donner les moyens d’être solidaire

Pour les libéraux, la retraite va devenir de plus en plus une affaire individuelle. Chacun doit prendre ses propres responsabilités et épargner de son côté par l’épargne, le troisième pilier. les investissements privés.

Seulement voilà, la grande majorité des salariés touchent, avec l’AVS, 6x plus que ce qu’ils ont payé en charge salariale. Aucun produit bancaire ou assurantiel ne peut assurer un rendement de 600%. Ce sont donc les classes populaires et moyennes qui se retrouveront perdantes sans ce mécanisme collectif.

Et pourtant, si le volume des rentiers augmente trop, le mécanisme risque également de s’effondrer, faute de pouvoir prélever suffisamment aux actifs du pays. Mais nous l’avons dit, ce destin démographique de l’AVS est basé sur des calculs qui ne prennent pas en compte la productivité des actifs. C’est donc le degré de productivité des actifs qui détermine finalement à quel point nous pouvons être solidaire.

Il est intéressant de remarquer que la situation financière de nos aînés va dépendre de l’excellence de la formation de nos jeunes. En effet, le montant des cotisations AVS dépend du niveau de salaires, Dans une économie ouverte comme la Suisse, seuls des jeunes très bien formés pourront préserver la productivité du travail suisse et un niveau de salaire bien plus élevé qu’ailleurs.

Au bout du compte, la solidarité dépend des moyens que l’on se donne. C’est en cela que les débats et les questionnements sur l’AVS sont passionnants. Ils nous ramènent à l’importance primordiale de l’innovation, de l’automatisation, et du génie industriel helvétique.

Dossier : retraite et prévoyance en Suisse

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Consultant en transformation digitale, en Assurtech et en crypto-économie. Diplômé d'un Master en Affaires européennes de l'Université de Genève.

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Commentaires

  1. Merci pour le partage. Personnellement je ne me suis jamais vraiment trop penché sur la question de l’AVS, me concentrant sur LPP et le reste.
    Néanmoins je me suis demandé quel serait potentiellement mon revenu AVS - j’ai essayé cela mais on ne peut pas vraiment choisir le nombre d’années travaillées en Suisse donc pas pertinent - et je suis tombé sur cela: « La rente minimale pour une personne seule se monte actuellement à 1225 francs par mois et la rente maximale à 2450 francs. » *source
    Cela fait 10ans que je travaille en Suisse (4 comme frontalier), est-ce que cela signifie que ma rente AVS sera au minimum de 1225CHF/mois à la retraite? Ou on ne peut pas vraiment calculer encore et faire à vu de nez comme indiqué ailleurs sur le forum (environ 50CHF/mois par année travaillée)?
    Merci

  2. Non malheureusement vous ne toucherez pas forcément 1225 si vous n’avait pas les 44 années de cotisations.
    Le calculateur officiel que vous avez utilisé vous permet bien d’évaluer la rente AVS en rentrant toutes les périodes même futures en répondant pour affiliation à AVS Oui partiellement et vous pouvez aussi rentrez les revenus par années plutôt qu’un revenu constant en choisissant éditer les revenus.
    Sinon j’ai aussi souvent lu que 50chf par année cotisée donner à titre indicatif la rente par mois.

  3. Tenez vous en à ça, et vous serez proche de la réalité.

  4. En Suisse, les membres du gouvernements sont issus des différents partis composants la vie politique.

    En entrant au gouvernement, l’élu n’est plus autorisé à défendre les idées ou décisions de son parti, mais celles du gouvernement fédéral auquel il appartient désormais.

    Dans cette histoire d’AVS, il y a un véritable sketche plein d’humour !
    Cette votation pour un 13e mois d’AVS est une proposition des socialistes. Et c’est justement Mme Baume-Schneider (PS) qui est chargée d’expliquer au peuple que l’idée de son propre parti est une mauvaise idée et qu’il faut voter contre ! :rofl:

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