Pour les anciens frontaliers qui ont choisi de passer en LAMal, depuis le printemps, le moral a eu des hauts et des bas avec : les retours des cantons qui tardaient, les validations en masse du côté de Bâle, les retards dans la réception des E106, les premières radiations CMU…
Trois bras de fer sont en cours, mais on peut déjà constater qu’avec le monde qui est passé en LAMal, c’est une brèche qui s’est ouverte. La suite est politique…
Les refus de radiation CMU, bras de fer en cours
On l’a vu dans notre précédent article, le CDTF positionne le combat sur trois terrains : politique, juridique et économique.
Bras de fer politique
L’intervention à l’assemblée nationale d’Annie Genevard, députée du Doubs donne le ton :
Dans cet échange (cliquez ici pour télécharger le PDF), Annie Genevard obtient une réponse du gouvernement qui ne ferme pas le retour en LAMal pour les anciens frontaliers acceptés dans le système de santé suisse.
Elle force la brèche : questionner le gouvernement sur le bilan économique du projet de Marisol Touraine.
En septembre et en octobre c’est la période du budget. Les deux chambres vont avoir les yeux rivés sur les comptes de la sécurité sociale.
Le principal parti d’opposition nouvellement baptisé « Les Républicains » a besoin de créer une dynamique pour porter sa primaire. Anne Genevard est députée du parti « Les Républicains ».
Si cela bouge intelligemment du côté des frontaliers, pas sûr que Manuel Valls laisse Marisol Touraine jouer la montre.
Au delà des positions idéologiques et des postures personnelles, c’est l’économique qui peut inviter le sujet de la CMU dans le débat politique.
Bras de fer économique
Sur le plan économique, le bras de fer va se jouer sur la rentabilité du projet.
Avec les salaires frontaliers les plus élevés déjà passés dans le système santé Suisse et les frontaliers avec historique médical passés à la CMU, le gain sur les frontaliers pour financer la CMU va être sérieusement réduit.
C’est dans ce contexte que la position du CDTF fait mouche.
Ne pas cotiser à la CMU et faire ses soins en Suisse, va retarder l’opération des magiciens du ministère français.
Sur le papier c’était magique : pour financer la CMU déficitaire, au lieu de traiter une fois pour toutes le sujet de la dépense, on va chercher des cotisants jugés « nantis » (les frontaliers).
Dans les faits, si ces nouveaux cotisants ne cotisent pas et ne sollicitent pas le système de soins français, le problème du déficit de la CMU va rester sur la table. Il va jaillir dans le débat budgétaire d’automne !
Il est trop tôt pour rêver que des techniciens pragmatiques remplacent les magiciens sur ce dossier, ou que l’on écoute enfin les 2 experts qui avaient remis leur rapport en 2012.
Tablons plutôt sur la volonté politique de désamorcer un point de blocage à 2 ans d’une présidentielle.
Bras de fer administratif
Le second document présenté par le CDTF est une fiche interne à la CPAM (cliquez pour la version PDF).
On en déduit que le mouvement de refus de radiation s’inscrit dans une démarche tactique : la Suisse à bougé, puis l’administration française bouge.
Si on en reste là, l’administration française ramasse la mise. Marisol Touraine joue la montre, mais il n’est pas sûr que les jeux soient faits !
D’autant plus qu’il y a un nouvel acteur qui s’est mobilisé en nombre et en silence …
Refus de radiation, le nouvel acteur
Cet acteur, c’est l’ensemble des anciens frontaliers qui s’est engagé dans le choix de LAMal.
Il se pourrait que cet acteur se rende compte qu’il a abattu une carte maîtresse et qu’il sorte de son silence …
Les anciens frontaliers
Le nombre des anciens frontalier qui ont décidé d’affronter des démarches complexes pour ne pas rejoindre la CMU en a surpris plus d’un.
Au delà des déclarations d’auto-congratulation de l’administration française et de la tendance des cantons à minimiser le nombre de demandes, c’est un tsunami qui a tout submergé, à tel point que des services administratifs cantonaux puis des assureurs concernés ont dû se réorganiser.
Ces anciens frontaliers représentent maintenant une force. Cette force a identifié son intérêt.
Elle s’est engagée financièrement en LAMal. Elle a suivi les indications de deux groupements (le CDTF et les Bonnets Rouges).
Elle est maintenant au milieu du gué. Soit elle renonce à la première menace, résilie son contrat LAMal et va rejoindre les assurés CMU. Soit elle prend conscience de sa force et se mobilise.
La brèche colmatée jusqu’en automne ?
Le refus des radiations par la CPAM peut laisser penser que la brèche est colmatée.
Dans les faits, la dynamique de ces derniers mois a créé un précédent.
Si l’administration française ferme la porte de la radiation à partir de fin juillet, elle traiterait différemment les frontaliers qui ont obtenu rapidement le E106 suisse et ceux qui l’ont reçu plus tard (après la fermeture de la porte de la radiation CMU par la CPAM). Cela ajoute un angle d’attaque aux démarches des frontaliers pour lesquels la radiation a été refusée.
L’examen des budgets des comptes sociaux par les députés et les sénateurs français cet automne va donner donner l’opportunité aux frontaliers de faire entendre leur position. Si le lobbying est efficace, il n’est pas sûr que le colmatage de la brèche par la CPAM puisse tenir bien longtemps !
La suite
Le frontalier voit continuellement le peuple suisse interpeller ses dirigeants et son administration. Bien qu’il se mobilise sur les réseaux sociaux (dont le Blog du Frontalier, le forum des frontaliers …), qu’il développe une véritable intelligence collective pour proposer des alternatives, le frontalier ne peut compter sur un changement radical et rapide dans le rapport de l’administration française avec ses administrés.
Reste le combat politique : Amener à ce que l’administration ne perde pas la face, qu’elle puisse se congratuler de la réussite du passage de dizaines de milliers de frontaliers en CMU et qu’elle laisse en LAMal quelques anciens frontaliers en attente de radiation, qui, sinon ne lui amèneront que des soucis localement, à la Chambre des Députés, au Sénat, au Conseil d’Etat, à Bruxelles, avec la Suisse …
Pour ce qui est de la communication, ce serait une opportunité pour l’administration de montrer sa capacité d’adaptation (l’environnement transfrontalier a changé depuis 2012), sa fluidité dans le respect des réglementations internationales et son écoute des administrés.
Ainsi, on pourrait enfin arrêter de parler des frontaliers qui fuient la CMU et plutôt parler des frontaliers qui ont librement choisi la CMU (car il y en a).
Superbe article.
En tant qu’ancien frontalier, j’ai troqué mon armure en bois contre une armure en titane trempé, parfaitement adaptée contre les attaques d’un État qui ne respecte plus aucune règle. Marisol Touraine ferait mieux de jeter l’éponge et de nous laisser libres comme nous l’avons toujours été.
Et que l’on ne vienne pas me parler de solidarité, car il ne manquerait plus que les frontaliers ne soient pas solidaires avec les autres. Car à ma connaissance, ce ne sont pas les frontaliers qui perçoivent taxes et impôts dont ils s’acquittent rubis sur ongle.
Les frontaliers ne refusent pas d’être solidaires, ils refusent d’être des vaches nourricières, la nuance est de taille.