PISA : quelles leçons en tirer ?

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Article mis à jour le 20/09/2024

La dernière enquête PISA de l’OCDE sur les performances des systèmes d’éducation dans le monde est sortie le 5 décembre dernier. La Suisse remonte dans le classement après plusieurs années de déclin.

Quels sont les résultats de l’enquête ? Quelles sont les forces du système suisse ? Quel comparatif faire avec la France ? Nous répondrons à ces questions en détail.

Sommaire :

 

PI quoi ?

Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est une évaluation qui a lieu tous les 3 ans, et qui évalue dans quelle mesure les élèves qui approchent du terme de leur scolarité obligatoire (15 ans) possèdent certaines des connaissances et compétences essentielles pour participer pleinement à la vie de nos sociétés modernes.

PISA aide à suivre l’évolution de l’acquisition de connaissances et de compétences par les élèves dans les pays participants, ainsi que dans différents sous-groupes de la population au sein même des pays.

 

Pourquoi s’intéresser à PISA ?

Après avoir décrit le système scolaire suisse, s’intéresser à PISA permet de comparer ses performances avec celles des autres systèmes éducatifs du monde. Bien que la classification ne soit pas parfaite, elle permet d’évaluer globalement les résultats des différents systèmes éducatifs du monde.

Des informations importantes à considérer pour les nouveaux arrivants en Suisse ou les frontaliers qui souhaiteraient y scolariser leurs enfants.

 

Les caractéristiques de l’enquête 2022 et ses résultats

L’étude de 2022 mettait l’accent sur les mathématiques.

Et justement, cette dernière révèle une tendance inédite de baisse des performances des élèves dans plusieurs pays. Notamment dans les matières des mathématiques et de la compréhension écrite.

Cette baisse est particulièrement marquée par rapport aux éditions précédentes, avec une diminution moyenne de 15 points en mathématiques et de 10 points en compréhension de l’écrit au sein de l’OCDE.

Classement PISA
Synthèse du classement PISA par le journal Le Temps

L’étude met également en lumière la performance des pays asiatiques, notamment Singapour, Macao, Taïwan, Hong Kong, le Japon et la Corée du Sud, qui continuent d’afficher des résultats solides en mathématiques, sciences et lecture. Cependant, même ces pays ne sont pas épargnés par la tendance à la baisse des performances.

 

La Suisse toujours bien placée

Selon les données de PISA, les compétences des élèves suisses montrent des signes de changement.

Bien que les résultats en sciences montrent une amélioration, avec un score de 503 points en 2022 contre 495 points en 2018, le pays enregistre une légère baisse en lecture, passant de 484 à 483 points. En mathématiques, cependant, la tendance à la baisse persiste, avec un score de 515 points en 2022, contre 523 points en 2018.

Oliver Prosperi, co-auteur d’un rapport sur ces résultats, a exprimé une certaine prudence quant à l’interprétation de ces tendances.

Il note que malgré ces fluctuations, la Suisse maintient des performances solides par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, se classant 8ème en mathématiques et 19ème en lecture.

Pourtant, il est pertinent de relever que si la Suisse remonte au classement, c’est aussi parce qu’elle reste relativement stable tandis que les autres pays ont perdu plusieurs places.

 

Les forces du système suisse

Le système de formation suisse est souvent salué pour sa qualité et son efficacité. Il repose sur une combinaison de formation académique et professionnelle, offrant aux élèves une voie diversifiée pour réussir.

Cette approche permet aux étudiants d’acquérir des compétences pratiques tout en poursuivant leur éducation formelle. De plus, l’importance accordée à l’apprentissage pratique et à l’expérience professionnelle contribue à préparer les jeunes à intégrer le marché du travail avec des compétences concrètes.

Selon Frédéric Borloz, l’’efficacité de la gestion de la pandémie de COVID-19 a également joué un rôle crucial. Il évoque notamment la décision de maintenir les écoles ouvertes plus longtemps que la plupart des pays européens.

Selon lui, cette décision a minimisé l’impact négatif sur le bien-être mental des jeunes, contribuant ainsi à leur performance éducative.

 

Et ses faiblesses

Malgré tout, l’étude PISA met en lumière un écart croissant entre les élèves performants et ceux en difficulté. Ce qui souligne un lien préoccupant entre la réussite scolaire et le statut socio-économique.

Un quart des élèves suisses ne parvient pas à atteindre les normes minimales, ce qui indique une disparité marquée en matière d’accès à une éducation de qualité.

Les élèves issus de milieux socialement favorisés surpassent régulièrement leurs pairs issus de milieux défavorisés, exacerbant ainsi les inégalités existantes.

Par conséquent, bien que la Suisse puisse célébrer ses réussites éducatives, l’étude PISA révèle des défis persistants et des inégalités croissantes qui nécessitent une réflexion.

À ce sujet, Frédéric Borloz déclare ne pas avoir de solutions magiques. Il propose globalement une redirection des élèves en difficulté vers des secteurs pratiques.

 

La France, une baisse historique

Selon l’étude PISA, la France traverse une période difficile en matière d’éducation.

Bien qu’elle reste dans la moyenne des pays de l’OCDE en termes de performance scolaire, le pays enregistre une baisse significative de ses résultats en mathématiques et en compréhension de l’écrit.

Cette baisse est particulièrement marquée en comparaison avec d’autres pays tels que l’Estonie, l’Autriche, ou encore l’Irlande, qui maintiennent ou améliorent leurs résultats.

En comparant les résultats des élèves suisses à ceux de leurs voisins français dans le classement PISA, on observe des différences notables. Si la France compte également des zones d’excellence, certains indicateurs montrent que les élèves suisses obtiennent souvent des scores supérieurs.

Un écart qui peut s’expliquer par divers facteurs. La Suisse n’est d’ailleurs pas la seule à faire face au défi des inégalités socio-économiques, la France pâtit aussi d’importantes différences entre ses élèves en fonction de leurs classes sociales.

 

Les réformes de Gabriel Attal

Face à ces nouveaux défis, l’ancien ministre de l’éducation Gabriel Attal a proposé une série de réformes pour améliorer le système éducatif français.

Sa démarche a été saluée dans la presse, notamment pour l’humilité dont il fait preuve en s’attaquant à des problématiques taboues que ses prédécesseurs n’avaient pas osé traiter.

Il prévoyait notamment de rendre l’obtention du brevet obligatoire pour le passage au lycée, de revoir le programme scolaire en primaire et de faciliter le redoublement. Cette réforme qui devait être adoptée dès 2025 a finalement été abandonnée pour cette rentrée 2024.

En effet, le ministère de l’éducation nationale a changé de ministre deux fois depuis le passage de Gabriel Attal. Si ces projets avaient été jusque-là repris par ses successeurs, l’instabilité politique actuelle du gouvernement français compromet la mise en œuvre des projets prévus. De même, il est probable que les expérimentations qu’il avait mis en place sur les uniformes scolaires et les groupes de niveaux en reste au statut d’expérimentations.

La France semble donc bloquée politiquement et reste au statu quo, ce qui ne risque pas d’améliorer son système d’éducation.
 

Pourquoi de telles différences entre les pays ?

On observe dans le classement PISA une grande différence entre les pays occidentaux et asiatiques, ces derniers étant largement plus performants.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce résultat. Il y a tout d’abord les ressources qui sont allouées à l’éducation, la structure même d’un système éducatif ou encore la méthode employée. Les pays asiatiques enseignent notamment les maths avec la méthode Singapour, qui permet d’aborder cette matière tout d’abord avec des images.

Cette méthode particulièrement efficace fait d’ailleurs partie des réformes ambitionnées par Gabriel Attal, afin d’améliorer le niveau en maths des élèves français dès la primaire. Mais une méthode seule ne suffit probablement pas à révolutionner tout un système éducatif.

Puisque pour utiliser une méthode, il faut déjà savoir l’enseigner. Les professeurs français ont plus d’une fois fait état d’un manque de personnels formés qui n’a pas encore trouvé de réponse. Or, le manque de communication entre l’État et le corps professoral rend souvent les changements demandés par le gouvernement difficiles. Les grèves se font donc fréquentes en réaction à des réformes qui sont jugées déconnectées du terrain et nuisent forcément à l’apprentissage des élèves.

Pour ce qui est de la Suisse, les enseignants commencent aussi à manquer. Ce qui a poussé le canton de Vaud à créer une nouvelle filière en enseignement secondaire pour éviter une pénurie d’enseignants. Selon le classement PISA, la Suisse continue tout de même de maintenir son niveau. Pourtant, ce dernier reste en effet inférieur à celui des pays asiatiques cités précédemment.

Bien qu’imparfaite, l’enquête PISA permet en tout cas de savoir dans une moindre mesure où sont les forces et les faiblesses de chaque pays en matière d’éducation. Et si la Suisse s’en sort bien, elle n’échappe pas aux inégalités de classe sociale qui frappent chaque pays.

Dossier : l’école en Suisse

Commentaires

  1. Avatar for jpm jpm says:

    la leçon à en tirer, c’est que la façon d’apprendre a été radicalement transformé, et le système n’a pas bougé d’un iota.

    aujourd’hui ce n’est plus 90% des nos connaissances que l’on apprend à l’école mais 10%.

    L’ecole, républicaine, équitable, égale pour tous, etc etc…n’est plus un point dominant dans l’éducation.

    De façon perverse, cela creusera l’écart entre les classes populaires (qui envoie juste leur enfant à l’école (je schématise hein…) et les élites qui profite de l’internet pour que leur enfant s’ouvre au monde, joue avec des jouets qui leur apprennent l’anglais, etc…(je schématise encore).

    donc statistiquement, cela va s’aggraver. bien sur une blonde bien connue dira que c’est à cause de l’immigration…bien sur cela ne facilite pas le boulot des profs, mais ce n’est pas le fond du problème a mon avis.

    mais l’éducation nationale progresse, elle vient de mettre en place des cours d’algorithmique au college, ce qui aurait été nécessaire il y a 20 ans…ainsi aurait-on peut-être aujourd’hui un baguette.fr au lieu d’un google.com ou yahoo.com.

  2. Bonjour à toutes et à tous !

    Notre article « PISA : quelles leçons en tirer » vient d’être mis à jour et présente les résultats de la dernière étude PISA. Nous vous proposons un comparatif France-Suisse pour essayer de comprendre la différence de classement entre ces deux pays voisins.

    Bonne lecture !

  3. Bonjour à toutes et à tous,

    Avec les derniers bouleversements politiques en France, notre article PISA : quelles leçons en tirer ? qui évoquait de potentielles réformes du système éducatif français vient d’être mis à jour !

    Bonne lecture !

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