Dernières nouvelles du 15.11.21:
L’Accord dérogatoire COVID porte sur deux volets; social et fiscal. Le volet fiscal permet au frontalier de travailler plus de 25% du temps sur le territoire français sans se voir rattaché automatiquement à la sécurité sociale française.
Quant au volet fiscal, il permet d’éviter que le frontalier ne soit taxé en France pour son revenu des jours de télétravail.
Le volet social a été reconduit jusqu’au 31 décembre 2021. À première vue, c’est une bonne nouvelle. Le volet fiscal a aussi été étendu jusqu’au 31 décembre 2021. Cela impliquera de grands changements dans les cantons qui imposent le frontalier à la source.
Cette double contrainte, sociale et fiscale sur le télétravail frontalier ne laisse présager rien de bon pour l’année 2022.
Le télétravail est en forte croissance. Il répond au besoin d’agilité des entreprises et aux changements de mode de vie de leurs employés.
Cependant, le télétravail peut tout autant être une opportunité libératrice qu’un fardeau technique. Un cadre juridique efficace et une connaissance des bonnes pratiques sont essentiels pour accompagner ce phénomène.
Nuls doutes que de nombreux défis doivent être relevés afin de permettre aux entreprises, aux frontaliers, aux résidents suisse et aux digital nomads de tirer le meilleur parti de ces changements.
Sommaire :
- Le télétravail, l’onde de choc du “travailleur connecté”
- L’engouement du télétravail en Suisse
- Le télétravail pour le travailleur frontalier suisse
- Le télétravail en France pour le conjoint du Frontalier
- En conclusion
Le télétravail, l’onde de choc du “travailleur connecté”
Les développements technologiques (réseaux haut-débit, cloud, messagerie instantanée, visio-conférence etc) ont donné naissance au “travailleur connecté”.
Ce “travailleur connecté” peut maintenant collaborer avec son entreprise par différentes formes de télétravail :
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- Le travail depuis son domicile
- Le travail en “shared office/ espace partagé” à distance de son équipe
- Le télétravail ponctuel quelques jours par semaine (“travailleur navetteur”) ou à plein temps
Les changements apportés par le télétravail ne sont pas limités à la forme. Le télétravail impacte aussi le fond. Il modifie en profondeur la manière de travailler efficacement. La transformation des entreprises peut amener le “travailleur connecté” à devenir progressivement un “travailleur cloud”.
Le télétravail s’accompagne souvent d’une réorganisation des locaux de l’entreprise. Les bureaux individuels sont remplacés par des espaces ouverts dans lequel l’employé se « pose » selon ses projets, ses interventions. Dans les locaux de l’entreprise, les espaces de réunion « physiques » sont progressivement remplacés par des espaces « virtuels WEB ».
Le télétravail a également des répercussions sur son écosystème. Il réduit l’utilisation des transports et apporte de l’activité dans des zones géographiques reculées. Il devance la réglementation qui n’a pas encore pu en traiter toutes les implications.
Télétravail – Avantages pour les employeurs et les employés
En première approche, il est assez facile de trouver des avantages au télétravail pour les employeurs:
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- Augmenter la satisfaction des employés
- Réduire la surface de bureaux
- Ouvrir l’entreprise à de multiples formes de contributions
- Contribuer à l’agilité de l’entreprise
L’employé trouve des avantages au télétravail:
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- Organiser avec plus de liberté la répartition entre travail et loisir
- Concilier vie privée et vie professionnelle
- Faciliter la mise en oeuvre du temps de travail flexible
- Gagner du temps en réduisant le temps de transport
Télétravail – Désavantages pour les employés
Le télétravail présente aussi des points critiques pour l’employé:
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- Déconnexion des autres collègues
- Éloignement de l’employé avec sa hiérarchie
- Difficulté de positionnement pour les managers et les leaders
- Désengagement, solitude, démotivation
- Identification à la culture d’entreprise plus limitée
Selon l’enquête Future Workplace/ Virgin Pulse, le télétravail contribue à la propension à changer de travail plus rapidement. Comme globalement 7% d’employés n’ont pas d’amis au travail. Avec le télétravail, ce chiffre risque d’être revu à la hausse.
Cependant, une politique de travail et des directives internes efficaces peuvent atténuer ces inconvénients. C’est ce que Dan Schawbel détaille dans son livre “Back To Human, How Great Leaders Create Connection in the Age of Isolation“ (organiser des événements sociaux, systématiser l’ouverture des meetings à la vidéo-conférence etc).
Dans le futur, on considérera peut être que les discussions autour de la machine à café font partie des premiers outils qui favorisent la productivité!
D’ici là, des techniques de Management Agile offrent une palette d’outils qui se combinent bien avec le télétravail. Un « Stand up meeting » quotidien partagé en visio-conférence et l’utilisation fluide de « l’instant messaging » font partie des bonnes pratiques.
L’engouement du télétravail en Suisse
“Un quart des travailleurs suisses ont eu recours au télétravail en 2016”
selon le cabinet Deloitte.
La réglementation existante
Lors de la mise en oeuvre du télétravail, l’entreprise doit veiller à rester en conformité avec la réglementation en vigueur. Hormis le Code des Obligations et la loi sur le travail qui le réglemente pour le travail artisanal et industriel, le télétravail connaît encore un certain vide juridique en Suisse. Des points ont néanmoins déjà été clarifiés.
Flexibilité du temps de travail
Le télétravail doit respecter les contraintes du temps de travail flexible. Il doit aussi respecter les grands principes du “travail de jour / travail de nuit”, les plages de travail de 7h jusqu’à 21h et les réglementations spéciales.
Prise en charge étendue de frais professionnels
Le code des obligations suisse stipule l’obligation générale pour l’employeur de couvrir les frais liés à l‘exécution du travail. (Matériel téléphonique et multimédia…). Si l’employé travaille de son domicile, l’employeur devra lui mettre ces moyens à disposition.
En cas de “travailleurs navetteurs“ avec un temps de travail en partie présentiel et en partie en télétravail, les frais de double résidence ou de nourriture peuvent êtres déductibles fiscalement sous certaines conditions.
Droit à l‘allocation de famille au lieu du siège de l‘entreprise
Le montant de l’allocation pour enfant varie selon le canton. En cas de télétravail, elle est attribuée selon le canton du siège de l’entreprise et pas selon le lieu de résidence de l’employé.
La réglementation à clarifier
Protection des employés difficilement praticable
Les missions de l’inspecteur du travail ne sont pas adaptées à un contrôle au domicile. Les fiches des heures de travail sont difficilement vérifiables.
Déduction fiscale pour frais de déplacements
L’employé en télétravail se déplace moins pour se rendre au travail et aller déjeuner. La question des déductions fiscales pour ces déplacements est à clarifier.
Protections des données et devoir de diligence
La protection des données est une priorité pour les entreprises. En Allemagne, des contraintes sont imposées à l’employé en télétravail (bureau séparé, code pour l‘accès à l‘ordinateur de travail, ligne téléphonique séparée). En Suisse, le non respect des directives internes (stockage/ transfert de données interdit vers l‘adresse privée, confidentialité des codes…) est fortement sanctionné. L’employé en télétravail doit se conformer strictement à son contrat de travail et aux directives de sa fiche de mission. Il est aussi responsable d’informer au plus vite son employeur en cas de perte de données.
La réglementation du télétravail “partiel”, le “travailleur navetteur”
Le télétravail “partiel” se développe actuellement : L’employé répartit la localisation de ses journées de travail entre l’entreprise et son domicile. Il devient “travailleur navetteur”. Cela lui permet de bénéficier des avantages du télétravail quelques jours par semaine, tout en préservant le lien avec son équipe.
Le télétravail pour le travailleur frontalier suisse
Le travailleur frontalier suisse doit veiller à ce que son activité en télétravail soit conforme avec la réglementation Suisse et la réglementation française.
Les contraintes suisses
Après des fuites de données confidentielles bancaires, la connection depuis la France aux espaces de travail professionnels suisses a été fortement limitée. Ces interdictions se sont d’abord appliquées dans le secteur de la finance. Elle existent maintenant dans d’autres secteurs. Aujourd’hui, des banques interdisent même au travailleur frontalier de traverser la douane avec leur ordinateur portable professionnel.
La responsabilité individuelle
Avant de se proposer au “télétravail partiel” comme ses collègues qui résident en Suisse, le travailleur frontalier suisse doit donc vérifier que son contrat de travail, sa fiche de mission ou le règlement intérieur n’interdit pas d’utiliser les outils de télétravail en dehors de la Suisse. En cas de non observation des consignes, c’est sa responsabilité individuelle qui est engagée.
Les contraintes réglementaires françaises
Les contraintes réglementaires françaises relatives au télétravail frontalier relèvent du droit du travail et de la protection sociale.
Compétence du for français
Si le travailleur frontalier en télétravail effectue l‘essentiel de son travail en France,
le Conseil des Prud‘hommes français pourrait se déclarer compétent en raison du lieu de travail fixé au domicile de l‘employé.
Temps de travail et assujettissement aux contributions sociales
Lorsqu‘un employé de nationalité suisse ou ressortissant de l’Union Européenne d’une entreprise suisse travaille 25% ou plus de son temps chez lui en France, il est assujetti à la sécurité sociale de la France.
Pour l‘entreprise, cela impose de payer les cotisations sociales en France.
Pluriactivité – détermination de la législation de sécurité sociale applicable
Le télétravail frontalier ouvre la porte à la pluriactivité. S’il le travailleur frontalier a une activité avec un employeur suisse et un employeur français, un niveau supplémentaire de contrainte s’ajoute. Les cotisations sociales françaises sont dues selon le critère de l’activité “substantielle“. Le critère d’activité “substantielle“ est déterminé en fonction de la durée OU du niveau de rémunération.
Si le travailleur frontalier a plus de 25% de ses revenus de source française ou si plus de 25% de son temps de travail est effectué en France, la législation française sur la pluriactivité s‘applique.
Pluriactivité – unicité de législation
Un travailleur est assuré dans un seul pays à la fois, qu‘il exerce une ou plusieurs activités (simultanément ou en alternance). Ce principe s’applique également en cas d‘horaires d’activité égales en France et en Suisse.
Exemple:
Si l’activité en France est de 25% et plus, les salaires réalisés en Suisse de moins de 25% doivent être annoncés également en France.
De même, si son activité en Suisse est de 25% ou plus, les salaires réalisés en France de moins de 25% doivent être annoncés en Suisse.
Critère de l’activité substantielle et nationalité étrangère
Si le travailleur n’a ni une nationalité de l‘ Union Européenne ni suisse, il doit payer les cotisations AVS dans le pays du siège de l’entreprise.
A certaines conditions et avec l‘accord du travailleur frontalier, il est possible de prévoir par accord contractuel que les cotisations retraite seront dues en Suisse uniquement.
Bon à Savoir
Les offices de compensation du domicile de l’entreprise peuvent vous aider à déterminer la législation applicable.
Elles peuvent aussi vous aider à calculer les cotisations sociales dues en Suisse.
Le télétravail en France pour le conjoint du Frontalier
Lorsqu’un nouveau Frontalier s’installe hors des centres urbains de France voisine, son conjoint ne trouve pas toujours un travail à proximité. Le télétravail est une option à explorer pour multiplier les opportunités.
67% des français choisissent leur emploi en fonction de la possibilité de pouvoir travailler en “télétravail“.
Avantages pour les employés français
La législation française est une pionnière de la réglementation du télétravail.
Depuis 2017, un “droit au télétravail” a été défini, une réforme du code du travail en facilite l‘accès.
Le gouvernement français, promoteur du télétravail
Selon le gouvernement, en 2018, il y a eu 25% d’adeptes du télétravail en plus.
Les accords d’entreprises se multiplient et les projets s’accumulent. Les “tiers lieux“ visent à accompagner la croissance des zones rurales ou périurbaines en y implantant des espaces partagés de travail, à proximité des lieux de résidence. Le réaménagement la carte de l’internet haut-débit vise à contribuer à ce que l’employé en télétravail reste en contact avec son entreprise.
Déductions fiscales pour frais de garde du jeune enfant (Pajemploi)
Pour les mamans et sous certaines conditions, il est possible de cumuler des aides pour la garde du jeune enfant pendant le télétravail. C’est au bénéfice du cadre de vie pour accueillir l’enfant.
En conclusion
Le télétravail, est souvent appréhendé sous le seul angle technique. En fait, cette nouvelle approche a des impacts majeurs dans les domaines du management, du collaboratif, du réglementaire, du juridique.
L’employé doit être informé de l’ensemble des implications de la mise en place du télétravail. En cas d’imprécisions, il ne doit pas hésiter à demander des éclaircissements sur ses obligations, sur le mode opératoire, sur l’étendue de ses responsabilités juridiques, fiscales, sociales.
Et vous, quelle est votre expérience du télétravail ?
votre expérience est positive ? négative ?
Nos autres articles sur le sujet :
Pluriactivité : les travailleurs frontaliers bientôt sur la sellette?
Bonjour,
La règle des 25% concerne les assurances sociales.
Étant affilié à la CMU, je cotise déjà en France. Dans ce cas, puis-je dépasser les 25% de télétravail ?
Merci,
Bonne journée
Non pas uniquement
Toutes les charges sociales (payées par l’employeur ) et les impots sont dus
Et dans ce cas là, vous coutez 50% plus cher à votre patron
Les salaires superbrut (avant charges patronales) sont relativement proches entre France et Suisse (autour 20% d’écart ) mais le salaire net se retrouve souvent autour de 50%
Bonjour ,
Est ce que la regle des 25% s’applique aux frontaliers travaillant pr des organisation internationales en Suisse , sachant qu’ ils ne sont soumis ni s l’ AVS , ni a la CMU, ni a Lamal ?
merci
Bonjour,
Les prochaines semaines risquent d’être agitées pour les frontaliers. En effet, la fin de l’Accord COVID entre la Suisse et la France semble proche. Le volet social de l’accord a été reconduit jusqu’au 15 novembre mais son volet fiscal devrait prendre fin dès le 30 septembre 2021.
Il est important de bien comprendre ces différents volets afin d’anticiper les changements qui se profilent.
Nous venons de mettre à jour notre article sur la limite des 25% de télétravail depuis la France.
Ce type de changements peut impliquer des réorientations de vie professionnelle et personnelle de frontaliers, résidents suisse et digital nomads.
Bonne lecture !