En Mars 2013, il y a eu en France comme un changement de ton lorsque l’on parle de la Suisse.
Rien de bien nouveau en début de mois. Le ministre du Budget Jérome Cahuzac a mêlé la Suisse au cache-cache fiscal qui l’a fait chuter.
Puis, cela a changé avec François Bayrou qui a pris la réglementation Suisse du travail en exemple.
Comment ces règles de morale économique et la réglementation du travail évoluent en Suisse ?
Le silence est-il d’or ?
Le silence de Jérome Cahuzac au sujet d’un compte bancaire Suisse l’a finalement fait tomber. La chute a duré de longs mois car sa cagnotte avait été déplacée vers Singapour lorsque le secret bancaire Suisse a commencé à être levé.
Le ministre a raté sa sortie du silence. Il s’est empêtré dans son mensonge, jusqu’aux aveux.
Pendant ce temps, la Suisse a poursuivi ses échanges d’information fiscale. Elle est sortie de la liste des paradis fiscaux. Son image n’a donc pas souffert de cette affaire. Sa parole est d’or.
La parole est d’or ?
Mais tout le monde n’a pas la même audience : François Bayrou, habitué à parler de sujets importants, a vu sa cote chuter depuis 6 ans.
En 2007 il alertait sur l’endettement de la France, puis en 2012 sur le manque d’innovation.
Il fait maintenant l’éloge du droit suisse du travail en opposant la simplicité de la loi suisse face à la lourdeur du code du travail français.
Cela pourrait faire avancer le débat, mais on peut noter la faible résonance de ces sujets en France.
Modèle français, exemple Suisse ?
Le “modèle français” avec une protection sociale généreuse et un service de fonction publique étendu est souvent érigé en exemple par les français.
Le gouvernement actuel réduit le train de vie de l’Etat en faisant le moins de bruit possible.
Quelle est la meilleure manière de conduire une réforme sans scandale en France ? Dans un “silence de plomb” avec tous les postes budgétaires rabotés à défaut de vision d’ensemble ou dans un “silence d’or” qui évite de critiquer les fonctionnaires et qui affiche ce qui pourra être préservé du “modèle français”.
La protection sociale Suisse fait appel à la responsabilité de chacun. Elle n’est pas présentée en modèle par les suisses. C’est plutôt un exemple de saine gestion que la Suisse ajuste régulièrement.
Ces sujets techniques font l’objet de votations régulièrement présentées au “Souverain” (les électeurs) par des notices explicatives détaillées qu’ils reçoivent par la poste. Le Souverain tranche après avoir été ainsi informé par la chancellerie, par les associations et les partis politiques.
Les français qui choisissent la Suisse
En France, quand on parle des français qui choisissent la Suisse, on pense aux 2’000 exilés fiscaux que l’Etat français essaye d’imposer . Côté Suisse, on pense aux honoraires de conseil (avocats, fiduciaires, experts fiscaux) et aux entrées fiscales.
On parle moins des dizaines de milliers de français, frontaliers ou avec domicile en Suisse qui ont choisi de travailler ou d’entreprendre en Suisse.
Pourtant, leur nombre est en augmentation. L’association des anciens d’HEC mentionne un flux continu d’une nouvelle arrivée de diplômé HEC par semaine sur Suisse depuis un an. Ce ne sont pas des millionnaires, ce sont des dirigeants ou des entrepreneurs. Ils font partie de la nouvelle immigration de plus en plus diplômée décrite par l’étude de la FAI de l’université de Bâle.
Les soubresauts du patronat
En France, on dirait qu’il ne fait pas bon être patron. François Bayrou, cite l’exemple des milliers de pages de la réglementation du travail française comparée à la centaine de page de la réglementation Suisse.
On peut aussi comparer la gestion des crises patronales. Au syndicat patronal français MEDEF, il a fallu une crise de succession pendant de longs mois pour qu’une nouvelle candidature de Laurence Parisot soit refusée.
En Suisse, quand l’organisation patronale faîtière “Economie Suisse” n’a pas été suivie dans son combat contre l’initiative Minder, en moins de quinze jours, le sujet lui a été retiré au profit d’autres acteurs comme l’Union Patronale et l’Union Suisse des arts et métiers (USAM) proche des PME.
On retrouve les divisions du patronat français sur les 35 heures. Des fédérations de PME veulent modifier la loi, pour le MEDEF (ou le poids des grandes entreprises est important) ce n’est pas jugé prioritaire. Dommage dans un pays en panne d’innovation d’avoir un patronat qui manque de vision commune.
Quand on connaît le succès du géant Google qui réserve un créneau d’innovation pour ses employés et que l’on a pu bénéficier de cette démarche dans une PME, imaginons ce que 5 heures hebdomadaires dédiées à l’innovation pourraient faire à l’échelle d’une branche d’activité …
Contradiction française, processus Suisse
En France, il y aurait des codes, des règlementations et une lourde administration qui feraient des misères à un patronat mal aimé. Ce n’est pas ce que l’on a vu lorsque les plus riches entrepreneurs du WEB français ont lancé la campagne des “pigeons” en 2012.
Cette campagne choc contre un projet de changement de la fiscalité des plus values de cession d’entreprises a fait immédiatement reculer le gouvernement. Reculer alors que le texte n’était pas encore passé par les assemblées, en amont des consultations, cela fait un peu brouillon. C’est contradictoire avec l’image d’une administration rodée et sûre d’elle.
En Suisse, le temps est pris pour étudier les sujets techniques. Les partisans et les détracteurs s’affrontent. Les lobbies jouent leur partition, mais ne sont pas sûr de gagner, tout comme les partis bourgeois qui ont les moyens de faire entendre leur voix mais subissent aussi des échecs.
De part et d’autre il y a des caricatures et des simplifications mais les solutions sont débattues et au final, celui qui tranche c’est le “Souverain” (les électeurs) lors des votations. S’ensuit une stabilité propice aux affaires et à l’exercice équilibré du pouvoir.
Le rapport au pouvoir
En 2013, le nouveau président Suisse, dont on n’attend peu de mots, a limité son périmètre d’intervention. D’entrée, il a indiqué qu’il fera le minimum sur les dossiers internationaux. Il ajuste ainsi le champ de sa fonction avec ses compétences et celles de ses collègues conseillers fédéraux qui appartiennent à d’autres familles politiques. Cette pratique adresse la question de fond de l’efficacité de l’exercice du pouvoir.
Pendant ce temps, la France se teste des formes d’exercice du pouvoir. Après un président qui usait les clivages pour gouverner, la France s’est choisi un président qui escamote les points “clivants”, sans plus de succès dans les enquêtes d’opinion.
Alors que le consensus Suisse se construit sur des dossiers et des analyses contradictoires. On peut se demander si en France un consensus solide peut se bâtir par évitement des oppositions.
Le pouvoir de la rue ou du Souverain?
En France, le Souverain a été guillotiné il y a plus de 2 siècles. On apprend dans les manuels d’histoire que le peuple l’a remplacé. Pas étonnant alors que “la rue” s’arroge la légitimité de faire reculer les gouvernements élus.
En Suisse, c’est “le Souverain” qui est sollicité à chaque votation. Le Souverain ce sont les électeurs. Ils se sont prononcés ces dernières années sur des thèmes en vogue de l’actualité française comme la morale économique (initiative Minder) et la réglementation du travail (durée des congés annuels).
Ils ont été impliqués pour des projets d’initiatives populaires sur le secret bancaire et la protection de la sphère privée des clients des banques.