L’initiative populaire contre les salaires abusifs votée le 3 mars 2013 a été plébiscitée par les électeurs Suisses.
Si sa campagne a focalisé l’attention de la population, elle a aussi largement dépassé les frontières du pays puisque tous les médias européens avaient un oeil tourné vers la Suisse ce week-end.
L’occasion pour certains européens de découvrir les bienfaits de la « démocratie directe » ?
L’initiative Minder contre les salaires abusifs
A l’origine de cette initiative, il y a Thomas Minder, récent conseiller aux états (2011) sans étiquette, il siège au sein du groupe parlementaire UDC.
Déposée en 2008, l’initiative a recueilli plus de 100’000 signatures et le peuple Suisse s’est prononcé en sa faveur le 3 mars 2013 a une large majorité : 68% de votes favorables dans l’ensemble et un « oui » majoritaire dans la totalité des cantons.
Le texte de l’initiative Minder
L’objectif est de lutter contre les « rémunérations abusives », voici quelques objectifs formulés :
- Affichage des rémunérations du CA et de la direction de toutes les entreprises cotées en bourse
- Interdiction des indemnités de départ en cas d’achat ou de vente de société
- Autoriser le vote à distance des actionnaires
- Obligation pour les fonds de pension (AVS compris) de se prononcer aux AG des sociétés et de dévoiler leur vote
La campagne contre les rémunérations abusives
La question des hauts salaires, parachutes dorés et bonus des dirigeants aura traîné plus de 4 ans dans les chambres fédérales, un contre-projet a été présenté mais il ne reprenait -selon Minder- que 39% des éléments de son initiative.
Quelques semaines avant le vote un élément important est venu s’inviter dans la campagne. Daniel Vasella, président de Novartis, a quitté son groupe avec une indemnité de 72 millions de francs pour non-concurrence.
L’annonce ne pouvait pas mieux tomber pour focaliser le vote de la population contre les rémunérations abusives. Daniel Vasella a pourtant annoncé peu après renoncer à ses indemnités.
La fondation Economiesuisse qui s’opposait au projet a également mené une campagne maladroite et très coûteuse. Selon le conseiller aux Etats Urs Schwaller (PDC/FR) «Les électeurs ont eu le sentiment que l’on cherchait à acheter leur vote».
Une votation très suivie et commentée
Chose rare, le vote a suscité un grand enthousiasme de la part de la plupart des médias européens.
Alors que seules les votations qui apparaissent de l’extérieur comme les plus polémiques (contre les minarets, contre l’immigration massive…) sont généralement relayées au delà de la frontière, cette initiative a semblé faire l’unanimité.
La votation a fait la une des sites du Monde, Libération, Le Figaro. Les journaux allemands et britanniques ont également abondamment commenté cet évènement.
Les journaux et internautes ont souligné que la Suisse « pionnière » qui a osé « faire face à un vrai problème ». Les journaux ont titré sur « un raz de marée », « une vraie révolution » et parlent « d’exemple à suivre ».
Les commentaires soulignent d’ailleurs l’opposition avec l’Europe qui est plutôt adepte de « grands discours sans suite ».
Une avancée donc, qui est selon ces observateurs d’autant plus notable qu’elle vient de Suisse, un pays qui reste considéré par beaucoup comme un « paradis pour les multinationales et les banques ».
Les bienfaits de la démocratie directe
Derrière ces propos, on lit un éloge de la démocratie directe.
Les journaux égratignent au passage les milieux politiques qui n’ont pas su comprendre les enjeux et saisir le malaise populaire généré par les salaires et bonus excessifs.
Le triomphe de Minder, qui s’est battu « seul » et a fait plier les milieux économiques, inspire certains journaux qui le comparent à robin des bois (Neue Luzerner Zeitung).
Cette « méthode suisse » interpelle les européens et les amène à réfléchir sur leur propre gouvernement et sur leur condition politique. La question des rémunérations excessives est un problème qui a été maint fois présenté, débattu, rabâché … il a été au centre de la campagne présidentielle française. Sans réel effet.
La situation économique cristallise ces enjeux et aujourd’hui, le peuple européen regarde son voisin helvète avec un certain respect.
« Les Suisses n’ont pas l’habitude de voter avec les tripes, mais cette fois, la colère républicaine l’a emporté sur leur pragmatisme proverbial (…) » écrit le Corriere del Ticino.
Je vous parie que les suisses ont encore beaucoup de cordes à leur arbalète !