Le Bio, arme Suisse contre le tourisme d’achat?

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Le Bio : couteau Suisse face au tourisme d’achat

Le classement 2010-11 du World Economic Forum, classe la Suisse au premier rang de la compétitivité mondiale. Mais la production agricole Suisse n’est pas citée.

Dommage car le franc fort et le tourisme d’achat ou l’évasion commerciale (courses faites par les résidents suisses en France voisine) font souffrir l’agriculture Suisse.

Si on applique la culture de la compétitivité Suisse, l’agriculture Bio est elle une arme contre l’évasion commerciale?

La place du Bio Suisse

Le marché du Bio pèse près de 1,75 milliard de francs en Suisse. Ce segment croît de 6 à 7% par an, soit bien plus que l’ensemble du commerce de détail. Il augmente en Suisse deux fois plus vite qu’en Allemagne.

Le Bio est principalement commercialisé par Coop (700 millions de francs) et Migros (435 millions de francs).
Dans un billet précédent nous avons vu que le franc fort et le tourisme d’achat pénalisent fortement ces distributeurs. On peut donc comprendre que Migros cherche à se développer sur le marché du Bio.

Aller sur le champ de bataille du Bio

Rappelons que la compétitivité ce n’est pas une affaire de bas prix. C’est un positionnement réussi en qualité et en prix. L’agriculture Suisse est donc soumise a une forte contrainte sur les prix car la surface agricole est limitée en plaine, là ou il est facile de produire. Pour être compétitive, l’agriculture Suisse doit donc se positionner sur des segments aux prix élevés, dotés de canaux de distribution, où la qualité est un critère important du choix.
Le drapeau de la qualité Suisse est à porter sur le champ de bataille du Bio.

Le Bio Suisse contre le bio Européen

En Europe, depuis 2009, les firmes agroalimentaires ont pressé Bruxelles à abaisser les cahiers des charges de l’élevage Bio. L’abandon du “lien au sol” qui garantissait la traçabilité fait qu’en Europe on peut qualifier de “viande Bio” des animaux alimentés de soja importé, produits par des élevages en batterie de 25 000 poules, sans espace pour se déplacer. C’est le bio intensif.

En Suisse, les critères de certains labels du Bio Suisse comme Bourgeon Bio restent maintenus au plus haut. Pour l’élevage, le pâturage est obligatoire, le fourrage certifié, plus de 20 sorties mensuelles au printemps et en été, l’écornage réglementé. C’est le bio extensif.

Communiquer sur les différences entre le Bio Européen (intensif) et les labels extensifs de Bio Suisse permet d’améliorer la qualité perçue et de justifier le différentiel de prix.

Sur quel Bio se positionner ?

Si dans l’horlogerie le groupe Swatch a réussi a sortir de la crise horlogère sur le créneau le bas de gamme puis sur le haut de gamme. Pourquoi l’agroalimentaire Suisse ne pourrait il pas faire de même ? Encore faut il distinguer haut de gamme et bas de gamme.

Le Bio intensif c’est le bio industriel, c’est le bas de gamme. La Suisse est présente sur ce segment avec par exemple le groupe Suisse Syngenta par sa filiale Maïsadour (basée dans le sud-ouest de la France) qui produit selon les critères européen. Sur ce segment, l’agriculteur Suisse souffrirait durement de la concurrence Européenne.

Reste le Bio extensif, c’est le haut de gamme du Bio. Préserver le “lien au sol”, c’est réduire le nombre de bêtes par l’exploitation, c’est augmenter la traçabilité de leur alimentation. Alors que Bruxelles réduit la contrainte des normes du Bio européen, le fossé se creuse entre la qualité Suisse et la qualité Européenne. C’est à l’avantage du paysan Suisse.

Un effort sur la communication

La compétitivité est aussi une question de communication. Si le Bio extensif communique clairement sur la sécurité alimentaire, l’effet d’un prix élevé se gomme. Des consommateurs seront prêts à payer deux fois plus cher le poulet Bio destiné à leurs enfants s’il est assuré qu’il est exempt de 300 tonnes de tourteau de soja chinois contaminé à la mélamine (alors que cela a été le cas en 2008 pour le groupe Européen Terrena actif sur le Bio industriel).

Un effort de commercialisation

La situation actuelle du vin Suisse nous enseigne qu’après un effort sur la qualité, la compétitivité requiert un effort sur la commercialisation. Alors que la prochaine vendange arrive, les caves romandes sont encore pleines de la production de 2011. Les accords de l’OMC ont ouvert la porte aux importations faiblement taxées. Avec 1% de la production exportée et la consommation presque inexistante de vins romans au delà de la Sarine, il faut encore plus d’effort pour commercialiser le terroir et la qualité.

Depuis le 1er août, l’Europe donne un petit coup de pouce : le vin Bio Européen est autorisé à utiliser des levures chimiques. C’est un argument au vin Suisse pour partir à l’assaut des têtes de gondoles “produits régionaux” des supermarchés de France voisine.

Un effort sur les points de vente

Pour retenir les consommateurs tentés par l’évasion commerciale, il faut agencer au mieux les points de vente. C’est aussi sur le point de vente que la qualité des produits Suisse doit être mise en valeur.
Dans le domaine de l’agencement des magasins Bio, Migros, fait appel à l’expérience des magasins Alnatura d’Allemagne. Migros compte sur ce partenariat pour prendre des parts de marché à son concurrent Coop. Espérons que cela permette aussi de récupérer des parts de marché sur le tourisme d’achat et que cela profite au paysan Suisse.

La compétitivité agricole

Comme on l’a mentionné dans notre précédent billet, pour retenir le consommateur Suisse il faut des arguments commerciaux tangibles et non pas seulement des réprimandes.
Pour une démarche ambitieuse, le consommateur Européen est à attirer en utilisant son besoin de qualité alors que les standards Européens se dégradent.  Après le chocolat et les montres, les chariots des frontaliers sont à remplir avec des produits du terroir Suisse.

En matière de compétitivité agricole, la Suisse a des arguments a faire valoir. Cela devrait permettre de réduire le tourisme d’achat Suisse et … peut être, de développer le tourisme d’achat des européens vers la Suisse.

1 Comment

  1. Le futur de votre agriculture vous intéresse ? Venez visiter l’exposition virtuelle http://www.vaud2030.ch.

    Cette exposition fait suite à un projet de recherche réalisé à l’Université de Lausanne avec des partenaires du monde agricole (Agridea et Prométerre) et en collaboration avec le Canton de Vaud. Elle bénéficie du soutien de la fondation du 450ème pour l’UNIL. Vous pourrez y explorer le passé et le présent à travers des animations et des films. Vous pourrez aussi y voter pour le futur que vous souhaitez ou créer votre propre futur.

    Et si vous voulez en discuter, venez nous rejoindre lors du cours public de l’UNIL !

    Cours public UNIL
    28 novembre 18h00
    Université de Lausanne (UNIL)
    Métro M1, Arrêt UNIL Sorge
    Bâtiment Amphimax, auditoire 351

    Avec:

    Monsieur Frédéric Brand, chef du Service de l’agriculture du canton de Vaud
    Madame Aline Clerc, responsable Agriculture, Environnement et Energie à la FRC
    Monsieur Fernand Cuche, ancien conseiller national, membre d’Uniterre
    Monsieur Francis Egger, responsable du Département économie, politique et relations internationales à l’Union suisse des paysans
    Madame Nelly Niwa, responsable du projet Vaud 2030 à l’UNIL
    Monsieur Jean Ruegg, doyen de la Faculté des géosciences et de l’environnement à l’UNIL

    Modération : Monsieur Christian Pidoux, Directeur de l’enseignement agricole vaudois Agrilogie Grange-Verney et Marcelin

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