Voir 2023 dans l’urgence ?

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2023 - Savoir regarder au-delà des nuages

Ça y est, les fêtes sont passées ! On se souvient des jolis papiers cadeaux colorés, les illuminations ont été rangées. La nouvelle année commence en pleine turbulence.

2022 a été chargée d’événements marquants. Parmi eux, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la canicule européenne, le retour de l’inflation, la crainte de coupures d’électricité…

Pour aborder 2023, quel point de vue allons nous choisir ? Celui qui privilégie l’urgence bousculée par l’actualité ou un point de vue de long terme ? Selon le point de vue, les perspectives sont plus ou moins réjouissantes.

Ces deux points de vue se complètent pour y voir plus clair alors que la nouvelle année commence !
Nous évoquerons ainsi les défis politiques, économiques et environnementaux.

Sommaire :

 

Les défis politiques

Les relations entre la Suisse et l’UE

Dans un thème similaire, les discussions entre l’Union Européenne et la Suisse avaient cessé en 2021 et restent depuis en suspens.

L’accord-cadre qui était au cœur de ces négociations n’avait pas été signé par la Confédération helvétique alors qu’il devait remplacer les accords bilatéraux.

L’UE exigeait une plus grande intégration de la Suisse à l’Europe. De nombreux points de désaccord ont finalement mis fin aux discussions. Parmi les points critiques, citons la reprise automatique du droit européen par la Suisse et la libre circulation des personnes.

Début 2023, les discussions semblent bien reprendre. Un sondage réalisé par l’institut Sotomo en fin d’année 2022 souligne que l’un des sujets importants pour les Suisses reste l’approvisionnement énergétique. En effet, dans ce contexte de crise, être bien intégré au réseau européen est rassurant.

L’énergie n’est pas la seule à être en cause. La Suisse a de nombreux échanges avec les autres pays européens. La fiscalité, les frais de douane et l’intégration des universités suisses au réseau européen sont aussi concernés par un futur accord.

À court terme, L’année 2023 peut être vue comme décisive pour les relations UE-Suisse. Néanmoins, on peut noter que depuis 1992 (refus suisse de rejoindre l’Espace Économique Européen), les nouvelles années sont souvent présentées comme décisives pour les relations entre l’Union Européenne et la Suisse…

À plus long terme, on pourrait se demander si la manière d’avancer de l’UE faite d’accoups, de déclarations péremptoires et d’échéances impératives serait compatible avec le cheminement suisse, progressif et consensuel.

 

Les élections fédérales suisses

Si les élections fédérales sont encore loin, elles sont néanmoins une étape importante de 2023 pour la Confédération. Le sondage précédemment cité prévoit des changements du paysage politique.

La part la plus importante des intentions électorales irait à l’UDC parti agrarien conservateur avec 26.1% des votes. Cela n’a rien de surprenant compte tenu du fait que le parti domine ses concurrents depuis les élections fédérales de 1999.

En revanche, un changement important serait la remontée du PLR (Parti Libéral Radical, de droite) qui avait perdu des sièges au parlement au profit des Vert-e-s lors des dernières élections fédérales.  Les résultats du PS (Parti Socialiste) seront aussi scrutés. En effet, ce parti avait suivi la locomotive Vert-e-s sur des questions sociétales.

Il aurait ainsi a perdu des électeurs au profit de son allié. Le PS se repositionne maintenant sur les questions sociales. Il lance des initiatives avec un ton agressif qui peut surprendre pour un parti de gouvernement. Nous verrons si la rhétorique « extrême » utilisée en France sera bien perçue par son électorat suisse. Selon les chiffres actuels, le parlement serait davantage à droite qu’il ne l’était lors des dernières élections.

Cette nouvelle année implique aussi de nouvelles lois. La dernière révision de la loi sur l’impôt fédéral direct permettra aux parents de prélever davantage d’argent pour la garde de leurs enfants. Le plafond passera de 10’100 à 25’000 CHF.

La législation des règles de succession va également évoluer et devrait donner la possibilité d’inclure les concubins dans les testaments. En matière de mobilité douce, les cantons auront désormais l’obligation d’aménager des pistes cyclables et pourront plus facilement limiter la vitesse à 30 km/h. Enfin, .

À court terme, les indicateurs d’opinion vont évoluer tout au long de la campagne électorale de 2023.

À plus long terme, le parlement qui s’était décalé vers la gauche semble se diriger vers vers le centre droit.

 

La pression migratoire

En poursuivant avec le sondage précédent, 14% des personnes interrogées estiment que le sujet de la migration est important pour leur décision électorale.

Les nouvelles vagues migratoires viennent ajouter une tension supplémentaire alors que le sujet était d’ores et déjà épineux. En effet, les migrants sont nombreux à vouloir rester en Suisse.

Le nombre croissant de demandeurs d’asile et d’immigrés illégaux suscitent des inquiétudes auprès des Suisses. D’autant plus que la Suisse va bientôt passer la barre des 9 millions d’habitants, un nombre important pour sa petite superficie.

En Europe, les Suisses ne sont pas les seuls à être inquiets. Les sujets d’attention sont multiples : pressions sur le marché du logement, déclassement sur le marché du travail, système d’aides sociales peu efficace pour la réinsertion, sécurité…

Au Conseil Fédéral, Karin Keller-Sutter a transmis fin 2022 son département de justice et police à Elisabeth Baume-Schneider. Cette nouvelle conseillère fédérale socialiste doit donc composer avec les demandes de l’UDC, celles de son parti, et des alliés Vert-e-s. Ce ne sera pas facile.

À court terme, le département pourrait avoir bientôt une décision à prendre à ce sujet.

À plus long terme, il pourrait s’orienter vers une “non-décision” comme de nombreux voisins européens. L’Italie par exemple a affiché sa décision de ne plus accueillir de migrants mais continue à accepter l’entrée dans ses ports de bateaux d’ONG.

Les défis économiques

Une pénurie de personnel dans certains secteurs

En ce qui concerne les préoccupations économiques, le marché du travail est en plein bouleversement. Comme dans de nombreux pays, des secteurs entiers de l’économie suisse sont en pénurie de personnel.

Le taux de chômage suisse est exceptionnellement bas, bien plus bas que celui de ses voisins européens. Il continue de diminuer.

Dans ce contexte, les besoins dans le secteur informatique sont énormes. Aussi, le secteur du commerce de détail peine à trouver de nouvelles personnes à employer. Les conditions de travail jugées insatisfaisantes sont à l’origine de beaucoup de démissions.

De plus, les jeunes sont de plus en plus nombreux à suivre la voie des études supérieures et de moins en moins à suivre la voie de l’apprentissage.

Enfin, les baby-boomers qui commencent à quitter le marché du travail et ne sont pas forcément remplacés faute de main d’œuvre qualifiée.

À court terme, alors que le marché du travail en Suisse se porte encore bien, des ajustements sur l’attractivité de certains secteurs restent à faire en 2023.

À plus long terme, la récession attendue par les économistes devrait détendre le marché. Des démarches restent à entreprendre : amélioration de la formation, facilité de retour à l’emploi des baby boomers et des mères de famille.

 

La faillite des crypto-monnaies ?

Le marché du travail n’est pas le seul à évoluer, la finance connaît ses propres propres perturbations.

Depuis une dizaine d’années, les crypto-monnaies sont devenues un actif à prendre en compte. La technologie Blockchain et leur référentiel partagé les protègent d’une intervention directe des banques centrales.

Néanmoins, la fin de la politique de création monétaire à tout va, des banques centrales et la remontée des taux d’intérêts bénéficient aux actifs moins risqués comme les obligations.

En effet, le marché des crypto-monnaies se caractérise par sa très grande volatilité, Les phases d’emballement et d’effondrement se sont succédées.

Récemment, la plateforme d’échange de crypto-monnaies FTX a fait faillite. Cet événement a eu des répercussions conséquentes sur les crypto-monnaies dont les cours ne cessent de dégringoler.

À court terme, l’avenir des cryptos ne semble pas radieux.

À plus long terme, les cryptos monnaies peuvent néanmoins présenter des atouts significatifs puisque les banques centrales se lancent dans la course et que la confédération s’est autoproclamée « crypto-nation ». Elle se montre en effet particulièrement bienveillante envers les entreprises fintech qui investissent dans les monnaies virtuelles.

 

L’évolution des prix pour 2023

En 2022, l’inflation a été de 2.8% en Suisse. Cette augmentation est moins importante que celle des autres pays européens mais s’ajoute à une facture d’électricité de plus en plus salée et à des loyers qui augmentent automatiquement.

La bonne nouvelle c’est que la Suisse bénéficie de freins à l’inflation efficaces.. Le faible taux d’endettement maintient un franc fort.

La production d’énergie hydraulique importante réduit la facture d’énergie importée. La pression à la hausse des salaires est modérée (2,5% contre 3% d’inflation prévus en 2023 par travail.suisse).

La récession ne serait pas pour tout de suite, et la croissance économique devrait se maintenir à un taux de 1%. Un taux de croissance du PIB ralenti par la diminution des exportations suisses en raison de l’augmentation des prix à l’étranger.

À court terme, malgré la solidité de l’Euro et du dollar US en fin d’année 2022 qui ont réduit le bouclier contre l’inflation assuré par le Franc fort, les nouvelles sont plutôt bonnes pour la population suisse et les frontaliers.

À plus long terme, tant que la santé de l’économie Suisse dépend fortement de ses exportations à l’Europe, son avenir est lié à l’Europe. De nouveaux débouchés en Asie viendraient rééquilibrer les échanges avec l’Europe et pourraient contribuer à protéger la Confédération des cycles économiques européens. D’ici là, au gré des difficultés en Europe, les sondages d’opinion vont sans doute continuer à afficher le pessimisme et l’incertitude pour l’avenir de la population suisse.

 

Les défis environnementaux

La mobilité douce

Tout au long de l’année 2022, le réchauffement climatique est apparu comme une des préoccupations les plus urgentes. Les températures records enregistrées en été 2022 et en automne confirment des effets du changement climatique. Ils inquiètent les gouvernements.

La Suisse n’est pas en reste et sa transition écologique passe par un fort encouragement à la mobilité douce. Le transport n’est bien sûr pas le seul à être visé par ces mesures écologiques.

Toutefois, ce secteur représente déjà 14% des émissions CO2 dans le monde selon les chiffres du GIEC de 2014. Aller vers une mobilité plus douce contribuera à diminuer son impact sur le climat.

Début 2023 commence mal pour ce qui est de la mobilité douce : la limitation du télétravail frontaliers imposée par la France va renvoyer sur les routes des milliers de frontaliers.

Au-delà de ce recul, les cantons prennent des mesures concrètes pour que les déplacements changent.

Parmi elles, la diminution des places de parking en ville, l’extension des pistes cyclables, l’expansion des transports publics et du réseau ferroviaire. D’autres initiatives sont à l’étude comme le péage urbain, l’élargissement des zones d’interdiction de circulation motorisée….

À court terme, l’accumulation des limitations et des contraintes va réduire les déplacements individuels motorisés. La hausse du tarif des produits pétroliers va aussi y contribuer.

À moyen terme, de nouvelles infrastructures (trains, tram etc) viendront jouer non plus sur la contrainte mais sur les incitations, une chose est sûre, on ne se déplacera bientôt plus du tout de la même manière qu’actuellement.

 

La question énergétique

Nous l’évoquions déjà en fin d’année, la pénurie de courant en partie liée à l’arrêt des importations de gaz russe. La crise énergétique a mis sur le devant de la scène le sujet de l’indépendance énergétique.

On peut néanmoins se demander quel type d’indépendance énergétique nous souhaitons ? La Suisse reste en théorie une bonne élève avec plus de 50% de sa production qui résulte de l’hydraulique, à la fois non polluante et domestique.

Pourtant, l’hydraulique ne suffit pas et en hiver, l’électricité produite par le nucléaire en Suisse ou en France est de la première importance pour la Suisse.

2023 sera sans nul doute une année marquée par les réflexions autour de notre consommation énergétique. Une année pendant laquelle des choix entre énergies renouvelables et fossiles vont se reposer différemment : peut-on se passer du nucléaire ? Peut-on considérer le nucléaire comme une énergie renouvelable ? Le choix des partenaires pour l’importation d’énergie sera aussi crucial.

À court terme, la crainte de coupures d’électricité pendant l’hiver 2022-2023 a été remplacée par la crainte de coupures l’hiver prochain.

À moyen terme, la question du nucléaire va revenir sur le devant de la scène avec des débats qui vont peut-être quitter le champ idéologique pour se transformer en une question pragmatique : pour éviter le risque nucléaire préfèrera-t-on acheter du gaz en provenance de Russie, des monarchies du golfe et des Etats Unis ?

 

Les multinationales mises à l’épreuve

S’il est demandé aux gouvernements d’agir, les entreprises sont elles aussi concernées par le réchauffement climatique.

Selon les chiffres du GIEC, l’industrie et la production de chaleur et d’électricité restent les deux secteurs qui à eux seuls représentent 46% des émissions de gaz à effet de serre.

De plus, la production de chaleur et d’électricité ne concerne pas que les particuliers, mais aussi les entreprises.

L’initiative de 2020 pour contraindre les multinationales à répondre aux éventuelles violations de droits humains et aux dégâts environnementaux qu’elles produisent a été acceptée par le peuple à 50,7%. Elle a été refusée par les cantons.

Le contre-projet de portée plus modérée est entré en vigueur dès le début de l’année 2022. En 2023, les entreprises devront donc publier leurs premiers rapports pour rendre compte de l’impact de leurs activités sur l’environnement et les droits humains à l’étranger. Ces rapports détailleront les mesures d’amélioration adoptées pour ces domaines.

À court terme, il sera intéressant d’étudier les réponses des entreprises sommées de se positionner sur ces questions écologiques et sociétales.

À moyen terme, les entreprises vont devoir développer une capacité à traiter et communiquer sur des questions sociétales car une nouvelle mise à jour de la loi sur les sociétés anonymes arrive. Elle va les obliger à prendre en compte des critères de durabilité.

En cette période bouleversée, changer de focale, alterner la prise en compte de l’actualité immédiate et une approche à plus long terme sera bien nécessaire pour y voir plus clair.

C’est ce que nous allons continuer à faire sur le Blog Suisse Résident et Frontaliers avec l’aide des 7’600 contributeurs du Forum Suisse Résident et Frontalier !

Bonne lecture et bonne année 2023 à tous !

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