Le Game-design est un art. Ficeler un scénario, programmer les dynamiques de jeu, composer les musiques, dessiner les décors et les personnages. Entre le développement de l’e-sport et l’arrivée sur le marché de nouvelles technologies (NFTs, casque VR, …) le jeu vidéo a de beaux jours devant lui.
Que l’on soit digital nomad, freelancer, employé du numérique ou simple citoyen, il est utile de comprendre comment le secteur s’organise. Dans ce marché ultra-mondialisé, comment l’industrie helvétique tire-t-elle son épingle du jeu ? Existe-t-il une “patte” suisse qui distingue ses œuvres numériques ?
sommaire :
- Une industrie florissante
- Game-design – un secteur à construire
- Covid, l’inquiétude du Game Over
- Game made-in-Swiss, sortir du lot
- La force Suisse dans le Jeu Vidéo
- Le jeu vidéo, joueur-acteur ou joueur-consommateur ?
- Industrie du jeu et écosystème numérique suisse
- Du jeu vidéo à l’opportunité professionnelle
- Jeu vidéo – un outil au service de la société
Une industrie florissante
Nintendo, Sega, Sony, Capcom… les jeux vidéo sont dans l’ADN du Japon. Les grands noms du secteur ont totalement dominé le marché dans les années 90. Actuellement, la scène du jeu vidéo est saturée par les productions titanesques des studios américains. Que ce soit Blizzard avec Call of Duty, World of Warcraft ou Candy Crush, Electronic Arts avec Fifa et Need for Speed ou encore Take two interactive avec la série GTA. Le Studio américain Epic Games a fait un carton avant et durant le Covid avec son jeu Fornite.
Pour le secteur Suisse, il est compliqué de se faire une place parmi les grands. Pourtant, certaines productions suisses se font remarquer à l’international et le secteur se développe bien. Le marché suisse compte actuellement une soixantaine de structures consacrées au développement du jeu vidéo.
Le nombre de studios suisses a été multiplié par 5 ces 10 dernières années. Les écosystèmes de créations sont principalement situés à Zurich et dans l’arc lémanique.
Plusieurs œuvres ont été acclamées à l’international. Le succès le plus important revient à Farming-Simulator. Le but du jeu est d’entretenir une ferme agricole. Le jeu a été distribué à plus de 15 millions d’exemplaires. Le jeu est désormais traduit en 16 langues. Il y a également un championnat international avec des équipes e-sport dédiées à ce jeu.
Game-design – un secteur à construire
Pour qu’une scène suisse du gaming puisse éclore, la passion des indépendants ne suffit malheureusement pas. Un soutien étatique est indispensable. C’est principalement la fondation Prohelvétia qui soutient le secteur avec une aide de 2 millions de CHF par année.
Les Cantons vont également inciter les développeurs via des appels à projet. À titre d’exemple, le Canton de Vaud vient de lancer son quatrième concours. À la clé : 50’000 CHF. Le dépôt des candidatures est ouvert jusqu’au 31 août 2022 à minuit.
Il s’agit aussi de former les créateurs de demain. C’est en 2005 que la première formation de game designer est proposée par la Haute école d’art de Zürich (ZHdK). La Head et l’Ecal ont par la suite ouvert également des programmes similaires.
Dès 2010, la Confédération consolide son soutien au secteur avec son programme “Game Culture”. Le label “SwissGames” est créé et l’association indépendante des développeurs de jeux suisses (SGDA) est mise sur pied.
Des festivals suisses dédiés sont également organisés comme le Ludicious à Zurich ou les Numerik Games d’Yverdon-les-Bains.
Pourtant, le monde de la création de jeux vidéo ne possède pas encore les mêmes lettres de noblesse que les arts créatifs plus traditionnels.
Covid, l’inquiétude du Game Over
Si les ventes de jeux vidéo ont été massives durant le Covid, tout n’est pas rose pour les studios de développement. La conception et la distribution du jeu ne sont pas tout. Dans un marché mondialisé et ultra-compétitif, il est primordial de trouver des partenaires, des investisseurs et des éditeurs. Les foires internationales sont des passages obligés pour un jeu à succès. Les mesures sanitaires ont rendu ces rencontres impossibles durant deux ans.
Pour faire face à cette situation exceptionnelle, les fondateurs du studio helvétique “Blindflug”, ont adressé une lettre au Conseil fédéral. Signé par de nombreux autres studios et personnalités de la scène du jeu vidéo suisse, ils réclament davantage d’aide pour faire face à la crise.
Game made-in-Swiss, sortir du lot
Les jeux vidéo sont des produits numériques, à ce titre, les défis des studios suisses sont nombreux. Tout d’abord, le marché intérieur suisse est minuscule. Difficile de compter sur des économies d’échelle avec à peine 8 millions de consommateurs, avec en plus une grande diversité linguistique et culturelle.
De plus, bien que l’aide au secteur soit fort appréciable, le pays n’a pas misé gros sur la scène du gaming alors que la Corée l’a fait.
Et pourtant, de nombreuses petites perles suisses sont fortement appréciées aux quatre coins du monde. La Suisse est fréquemment récompensée au sein des foires internationales telles que la Game Developer Conference (GDC), la Gamescom et parfois même au salon de l’E3 à Los Angeles.
Quelles sont alors les techniques des studios pour réussir à se démarquer ? Existe-t-il une “patte” helvétique qui nous distingue ?
La force Suisse dans le Jeu Vidéo
Force est de constater que les jeux suisses de simulation ont la cote. Outre Farming simulator, Transport simulator a également fait son nid. Il s’agit d’un simulateur de chemin de fer. Transport Fever, une version augmentée a déjà été distribuée.
Les salaires suisses sont élevés mais le jeu est distribué au même prix que tous les autres sur les plateformes. Il faut donc trouver des techniques pour faire avec ces réalités économiques.
Ne pouvant pas investir massivement dans les graphiques haute-résolution, il s’agit d’être créatif. Les ergonomies sont assez simples et léchées. Mundaun est à ce titre une petite pépite. Jeu d’horreur basé sur le folklore helvétique, le jeu est entièrement dessiné à la main. Un travail titanesque reconnu au niveau international.
Pour Gabriel Sonderegger, le jeu vidéo suisse a également la particularité d’aborder des thèmes assez politiques. Jeux sur les risques de guerre nucléaire, l’immigration ou encore les milieux financiers.
Le jeu vidéo, joueur-acteur ou joueur-consommateur ?
Quel parent n’a pas fait de remontrance à son enfant sur son temps d’écran, les heures passées en jeu vidéo ? Bien entendu, les dangers d’une addiction sont bien réels. Cependant, au-delà du divertissement, le jeu vidéo ouvre la porte au monde numérique. La maîtrise du digital design et de la programmation est souvent déclenchée par une pratique récréative du jeu vidéo.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Le musée Bolo expose l’histoire des machines et des jeux qui ont marqué les débuts de l’ère du numérique. Force est de constater que les ‘accros’ du jeu vidéo ne datent pas d’hier.
Bien entendu, ce passage du ‘consommateur’ au ‘producteur’ ne se fait pas par magie. Pour stimuler la curiosité des adolescents, les ateliers du Musée Bolo permettent d’expérimenter la programmation.
Plus largement, l’ajout de la programmation informatique au cursus scolaire progresse. Certaines classes proposent désormais des cours de programmation en Python dès le cycle et le collège en Suisse, et dès le secondaire en France. Une fois cette première approche faite, l’étudiant peut poursuivre l’apprentissage de son côté.
Pour les plus petits, Scratch sera un bon point de départ. Pour les plus âgés, il leur suffira d’ajouter Pygame à leur installation Python et de manipuler les premiers exemples proposés. Une fois que les rudiments de la programmation “objet” (avec la notion de classe) auront été appréhendés, les parents seront émerveillés par les premiers jeux imaginés par leurs enfants. Ils laisseront alors leurs enfants jouer plus longuement : ces derniers pourront justifier leurs heures de jeu vidéo par une hypothétique recherche d’inspiration !
Industrie du jeu et écosystème numérique suisse
On le comprend aisément, l’industrie du jeu vidéo n’est qu’une branche dans l’immense arbre de la société numérique. Pour prospérer, cet écosystème requiert de nombreux travailleurs qualifiés. Comme nous l’avons évoqué dans notre article sur la pénurie des travailleurs qualifiés, le manque de main-d’œuvre dans le secteur de l’IT est inquiétant.
Les entreprises cherchent des solutions pour combler ce manque. Christoph Catoir, Président d’Adecco, a ouvert une plateforme pour recruter des réfugiés ukrainiens.
De son côté, la Suisse devrait mieux orienter son effort de formation informatique. L’apprentissage n’est pas la meilleure manière d’aborder la programmation des jeux vidéo. Pour être un bon programmeur “objet”, il faut avoir une capacité d’abstraction mathématique. L’acquérir “sur le tas” est très difficile. Un socle d’études académiques est un prérequis. Plutôt que l’apprentissage, c’est un cursus de quelques années d’études universitaires ciblées qu’il convient de suivre.
Le pays doit également instaurer des mesures visant les seniors qui sont sur-représentés dans le taux de chômage. La programmation “objet” est néanmoins très différente de la programmation “classique”. Le passage de l’une à l’autre requiert un grand effort d’apprentissage et d’adaptation.
Toutefois, si après le Covid, les offres d’emploi se sont multipliées, un nombre croissant d’entre elles exige des compétences informatiques. Pour développer ces dernières, les initiatives privées du web regorgent de bonnes idées.
Du jeu vidéo à l’opportunité professionnelle
Pour coder des jeux, il est essentiel de savoir programmer. Mais pour apprendre à programmer, est-il nécessaire de jouer ?
C’est du moins ce que proposent de nombreuses plateformes qui visent à “gamifier” l’apprentissage de la programmation. Par exemple, Cryptozombie vous propose de réaliser votre propre jeu de Zombie, pour apprendre à coder des contrats intelligents sur Blockchain.
Certains sites vont encore plus loin. Codingame vous encourage à réaliser de petits jeux tout en apprenant à coder dans de nombreux langages informatiques. Là où la plateforme surprend, c’est qu’elle valorise les “top programmeurs” auprès de recruteurs. Si votre code est apprécié par vos pairs, les recruteurs sont en mesure de vous identifier et de vous proposer un entretien. Il est désormais possible de trouver un emploi en se faisant remarquer par le jeu.
Le jeu vidéo devient un terrain de jeu pour prouver sa maestria en programmation. Il devient un moyen de mettre en relation les recruteurs avec les candidats potentiels. Quel retournement de position … ce sont les recruteurs qui vont chercher les joueurs…
Codingame a créé son site de formation particulièrement bien fait (tech.io) avec un “playground” simple lié à Github. Il sert de rampe de lancement pour des élèves du collège Suisse, des lycéens du secondaire en France et des premières années d’université.
Jeu vidéo – un outil au service de la société
NFTs, metaverses, réalité virtuelle (VR), développement de l’e-sport. Toutes ces nouvelles tendances annoncent la couleur ; le Gaming a de beaux jours devant lui.
Dans ce marché mondialisé des produits numériques, la Suisse essaie de s’imposer. Les petits studios rivalisent de créativité pour profiter des nouvelles opportunités du monde numérique. Pour que la Suisse participe à cette aventure, le secteur public doit soutenir et consolider l’écosystème numérique du pays.
Outre les financements, les soutiens institutionnels et les infrastructures, la société numérique requiert surtout des femmes et des hommes compétents.
Vu la pénurie de main-d’œuvre qui s’annonce, ce point est certainement le plus alarmant. Pour y remédier, il est nécessaire de faire venir des talents, de proposer des formations continues pour se former à l’interne et surtout il faut permettre aux jeunes et aux volontaires de développer leur savoir-faire informatique.
Pour réussir ce défi, le jeu vidéo se révèle être un médium de choix. Outre le divertissement, il peut être une véritable plateforme d’apprentissage et même une interface entre les étudiants et les recruteurs.
Il se pourrait bien qu’à l’avenir, le jeu vidéo ne soit plus seulement un hobby individuel, mais devienne une véritable technologie de coopération sociale. Les grandes manœuvres actuelles sur le marché du Metaverse vont dans ce sens.