EUR / CHF : perspectives et impacts pour les frontaliers (1er trimestre 2019)

Taux change EUR CHF à l'heure du Covid-19Taux change EUR CHF à l'heure du Covid-19

Depuis notre précédent article de septembre 2018, aucune tendance, à la hausse ou à la baisse, ne se dessine pour l’évolution du cours de change Euro / franc suisse.

D’un point de vue graphique, l’Euro a évolué dans un canal horizontal délimité par un support à la baisse situé à 1.12 et une résistance forte à la hausse située à 1.15.

Cette variation dans un canal resserré s’explique par la stabilité des paramètres macro-économiques qui influent sur le cours de change EUR/CHF. Aucune embellie sérieuse n’apparaît à l’horizon pour redonner un peu de force à l’Euro face au Franc suisse. Aucune crise ne s’est particulièrement aggravée pour alimenter davantage d’incertitudes et maintenir la monnaie unique sous pression.

Sommaire

La BCE prise au piège des taux bas

Dans les prochains mois, l’Euro ne bénéficiera pas du soutien attendu par une hausse des taux directeurs de la BCE. En effet, après chaque déclaration de Mario Draghi, cette hausse maintes fois évoquée fuit comme la ligne d’horizon au devant du navire européen.

Une troisième vague de prêts avantageux appelé TLTRO III va être lancée courant 2019 avec une fin programmée pour 2021. Dans ce contexte, il apparaît comme peu probable que les taux directeurs de la BCE remontent au cours des 2 prochaines années.

Le but affiché de ce programme est simple : lutter contre le ralentissement de la croissance européenne (revue à la baisse à 1.50 % pour 2019 par la BCE) en maintenant un accès facile à l’endettement du secteur privé. La grande quantité de liquidités pas chères mise à disposition des banques est sensée aboutir dans le porte monnaie des entreprises et des ménages sous forme de crédits qui seraient utilisés pour investir et consommer.

La BCE en support de la France et de l’Italie

L’autre but de ce programme, nettement moins mis en avant mais tout aussi crucial pour l’avenir européen est d’alléger au maximum le poids des intérêts de la dette dans le budget de chacun des Etats membres. Ainsi, au sein de l’Union Européenne, l’Italie et la France sont les deux poids lourds économiques qui ont le plus besoin de ce soutien bienvenu de la BCE, car ce sont les deux pays qui ont le plus de mal à juguler l’augmentation de leur dette.

Pour illustrer cette situation, nous pouvons citer des projections publiées en 2017 par l’OCDE sur la dette de la France :

  • qui a emprunté en moyenne à 0.37 % en 2016
  • qui verrait son ratio dette / PIB grimper à 120 % en 2030 si les taux montaient à 1.4 %
  • qui pourrait contenir son ratio dette / PIB à 105 % en 2030 si les conditions actuelles de taux étaient maintenues
France : Dette / PIB
France : Dette / PIB

En se basant sur ces chiffres, il apparaît clairement que dans le contexte de contestation interne des Gilets Jaunes, la France n’est pas en mesure d’encaisser une hausse des taux (même minime). En cas de hausse des taux, l’exécutif verrait disparaître les maigres marges de manœuvre financières dont il dispose pour tenter de calmer la grogne profonde qui s’est installée au sein d’une partie la population.

L’Italie bénéficie aussi des taux bas pour alléger les intérêts de sa dette. Néanmoins, sa situation demeure inchangée par rapport à notre précédent article sur le taux de change EUR / CHF.  Les mêmes risques politiques et économiques continuent de planer sur elle.

La BCE en support des banques fragiles

Pour l’Allemagne, moins endettée, cette nouvelle annonce d’une longue période de taux bas lui permet de préparer l’avenir. C’est une conjoncture favorable à la réorganisation de son paysage bancaire.

 

Allemagne : Dette / PIB
Allemagne : Dette / PIB

En effet, le gouvernement allemand cherche depuis des mois à consolider la Deutsche Bank jugée fragile et donc inquiétante par les marchés financiers du fait de la taille de son bilan (la valeur de l’action a été divisée par 4 en 4 ans). L’hypothèse d’une fusion avec la Commerzbank (à peine en meilleure forme) se dessine après des rumeurs de refus de BNP Paribas d’entrer en matière pour reprendre l’établissement.

Pas de hausse attendue par la BNS et la FED

Du côté suisse, les experts d’UBS n’anticipent pas de changement rapide dans le cap tenu par la BNS. Le retour à des taux positifs n’est pas attendu avant 2021, il pourrait, au mieux, y avoir une légère remontée des taux négatifs courant 2020.

Outre atlantique, la FED fait une pause dans sa stratégie de hausse des taux.  C’est dû aux incertitudes économiques liées à la guerre commerciale avec la Chine, et à la pression du Président Trump qui rappelle à la FED l’impératif du maintien de l’activité économique américaine.  Les experts anticipent désormais un maximum de deux hausses des taux en 2019 (contre 3 ou 4 précédemment), mais pas de mouvement avant cet été.

Un ralentissement mondial propice aux valeurs refuge

Pour 2019, le FMI prévoit un ralentissement du taux de croissance mondial sur fond de guerre commerciale sino-américaine et de tensions intracommunautaires en Europe. Les prévisions ont été revues à 3.50 % contre 3.70 % auparavant.

C’est d’ailleurs en Europe que ce ralentissement sera le plus marqué. On retrouve en tête des plus fortes révisions à la baisse du taux de croissance :

  • l’Allemagne avec une croissance attendue de 1.30 % contre 1.90 %
  • l’Italie avec prévision revue à 0.60 % contre 1%.

Face à cette élévation du niveau d’incertitude, certains pays conscients des soubresauts à venir choisissent d’acheter et de stocker de l’or. Ainsi, en 2018 la Russie et la Chine ont été respectivement à la première et à la deuxième place du palmarès des pays qui ont le plus accru leur réserve de métal jaune. Au cours de l’année dernière, la Russie a acquis 274,3 tonnes d’or: un record. Son stock a atteint 2’066 tonnes se rapprochant d’un autre record, celui des 2’500 tonnes stockées par l’URSS au moment de la mort de Staline.

Cette ruée vers l’or de la Russie et de la Chine n’est pas nouvelle, elle a débuté il y a plus de 10 ans. Cette accumulation s’explique t-elle par un simple réflexe de précaution ou au contraire fait-elle partie d’une stratégie plus vaste et planifiée visant à opérer un rééquilibrage global du système monétaire international en défaveur du dollar?

A l’instar de l’or, le franc suisse fait lui aussi partie de la liste des valeurs refuge plébiscitées par les investisseurs qui souhaitent privilégier la sécurité pour leurs placements. Cette demande soutenue vient naturellement renforcer le cours du CHF.

Le taux de change EUR / CHF d’un point de vue graphique

 

Cours Eur Chf mars 2019
Cours Eur Chf mars 2019

Depuis la mi-août 2018, l’euro évolue face au CHF dans un canal compris entre 1.12 et 1.15.

A court terme, nous pouvons envisager que l’Euro aille progressivement rejoindre le haut de ce canal à 1.146 voire 1.15 en prenant appui sur sa MM50 (Moyenne Mobile 50) ainsi que sur l’oblique tracée depuis le bas de canal à 1.12.

En revanche, rien n’indique que le cours de l’Euro puisse sortir rapidement du canal :

  • Soit par le haut en franchissant de la zone des 1.146 / 1.15 qui constitue pour l’instant la première grosse barrière à traverser pour lancer une nouvelle tendance à la hausse.
  • Soit par le bas en cassant le support à 1.12 ce qui pourrait indiquer le début d’une tendance baissière qui pourrait entraîner la chute vers d’autres supports inférieurs à 1.11 puis à 1.098.

Synthèse du taux de change Euro / franc suisse 2019

En 2019, l’économie suisse qui ne souffre ni du poids d’une dette ingérable ni de tensions politiques incessantes devrait mieux résister au ralentissement de la croissance mondiale que l’économie européenne. Cette dernière aura beaucoup plus de défis à relever.

En effet, dans les mois qui viennent, L’UE va devoir composer notamment avec :

  • le Brexit qui s’éternise
  • des élections au parlement européen qui pourraient bénéficier aux partis « anti-européens »
  • des pays endettés qui auront du mal maintenir leurs déficits budgétaires en dessous des 3 % de leur PIB comme l’exige la commission européenne

Au niveau monétaire, l’Euro devrait donc rester sous la pression du CHF faute d’améliorations notables et durables à venir au sein de l’UE.

Quel impact pour les frontaliers?

Depuis 4 ans, le franc fort a avantagé les frontaliers en augmentant leur pouvoir d’achat sans pour autant mettre en péril leurs emplois. Sur le sujet de l’emploi frontalier, arrivons nous à la fin d’un cycle?

Entre le 4ème trimestre de 2013 et le 4ème trimestre de 2018, le nombre total de frontaliers est passé de 282’000 à 314’000 soit 11.30 % d’augmentation.

Toutefois, toujours selon les chiffres de l’Office Fédéral de la Statistique suisse entre le 4ème trimestre de 2017 et le 4ème trimestre de 2018, l’effectif des travailleurs frontaliers a enregistré depuis 20 ans sa première baisse (-0.6%) du nombre total de frontaliers  :

  • -4,1% de frontaliers italiens
  • -2,4% de frontaliers allemands
  • +1,3% de frontaliers français

Cette baisse est faible, néanmoins l’avenir nous dira si elle est annonciatrice d’une tendance lourde pour les années qui arrivent ou si, au contraire elle ne constitue qu’une stagnation temporaire ou une correction statistique.

Pour suivre l’évolution du taux euro / franc suisse :

Lire le précédent article, EUR/CHF évolutions 3ème trimestre 2018

 

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Commentaires

  1. Avatar for Hibou Hibou says:

    Très bien fait comme d’habitude.
    L’article a été écrit il y a 4 jours de cela ce qui excuse les prévisions revues à la baisse depuis pour la hausse des taux de la FED (annoncée mercredi): une seule, mais l’année prochaine…
    Pour cette partie là: > « Dans ce contexte, il apparaît comme peu probable que les taux directeurs de la BCE remontent au cours des 2 prochaines années. » Il me semble que ce serait plus prudent de parler de taux positifs. Il est toujours d’actualité une toute petite hausse à partir de mars 2020. Après tout la BCE n’a aucune marge de manoeuvre si l’économie prenait la direction d’une récession.

  2. le decrochage de l’euro par rapport au chf est vertigineux aujourd’hui un plus haut pour le chf depuis octobre 2018

  3. Je n’ai pas suivi cette baisse aujourd’hui, ni vu les commentaires, est-ce dû à un soubresault du Brexit ?

  4. Oups… J’ai oublié de couper la partie adresse Web pour ne pas faire pub :wink:

  5. Avatar for Fafa Fafa says:

    Taux à 1.075/0.930 en ce moment, ça doit faire 3 ans que le CHF n’avait pas été aussi fort.
    Ce renforcement s’inscrit dans la tendance des 10 dernières années.

  6. Avatar for Hibou Hibou says:

    En partie liée (en tout cas sur les 2 derniers jours) à la mise en observation de la Suisse par les US comme potentiel manipulateurs de monnaies. Impact: les traders en devise en concluent que la BNS aura plus de difficulté à empécher le chf de monter et cela a entrainé une petite hausse et surtout cela renforce la tendance de fond (source FT).
    PS il y a la décision de la date pour un vote d’initiative populaire sur l’immigration: le 17 mai

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