Le 5 juin dernier, le Conseil des Etats qui représente les cantons suisses, a validé un projet de loi qui prévoit d’interdire, lors d’un départ à la retraite, le déblocage sous forme de capital du Deuxième Pilier (encore appelé LPP ou Loi sur la Prévoyance Professionnelle)
Vieux serpent de mer de la politique en Suisse, la concrétisation du projet de loi n’a cependant jamais semblé aussi proche. Si l’interdiction de libérer son Deuxième Pilier sous forme de capital est validée, s’appliquera-t-elle également aux travailleurs Frontaliers. Peut-on anticiper les impacts d’une telle mesure ?
Le Deuxième Pilier ou la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP)
Ce paragraphe s’adresse principalement aux nouveaux ou futurs Frontaliers.
Le système de prévoyance professionnelle suisse repose sur trois Piliers.
Dans ce cadre précis, le Deuxième Pilier, encore appelé LPP pour Loi sur la Prévoyance Professionnelle, est une cotisation obligatoire des salariés qui varie selon l’âge.
Il permet de se prémunir contre les baisses de revenus liés aux risques de décès, d’invalidité, ainsi que de vieillesse (retraite), en complément du Premier Pilier (AVS ou retraite de base)
Dans le cas d’un départ à la retraite, retenez que le Premier Pilier (AVS) et le Deuxième Pilier couvrent environ 60% du dernier salaire.
A la différence du régime complémentaire ARRCO/AGIRC en France, c’est un système par capitalisation.
Le deuxième pilier se compose d’une cotisation obligatoire et d’une cotisation surobligatoire :
- La LPP encadre et plafonne rigoureusement les cotisations obligatoires. Ces dernières sont prélevées sur les salaires dont le montant est compris entre 21 150 CHF et 84 600 CHF brut par an (chiffres 2017) après une déduction de coordination d’un montant de 24 675 CHF.
Ainsi, un salarié dont le salaire brut annuel est de 60 000 CHF cotise au Deuxième Pilier sur un salaire coordonné de 35 325 CHF (salaire brut 60 000 CHF – 24 675 CHF ) C’est l’assiette de cotisation.
- Au delà de 84 600 CHF brut par an, la cotisation est surobligatoire et dépend du plan de prévoyance propre à chaque entreprise et chaque salarié.
Actuellement, il existe quatre solutions principales pour débloquer son Deuxième Pilier :
- soit attendre la retraite et débloquer son Deuxième Pilier sous forme de rente et/ou sous forme de capital. La loi permet à un retraité de retirer jusqu’à 25 % de son avoir de vieillesse sans que la caisse de pension ne puisse s’y opposer. En pratique, les caisses de pension autorisent généralement le retrait intégral des avoirs.
- quitter définitivement la Suisse pour s’établir dans un pays situé hors de l’AELE
- soit débloquer son deuxième pilier dans le cadre de l’acquisition de sa résidence principale afin de constituer son apport personnel.
Très populaire chez le Frontalier, on estime qu’au minimum 1/3 des acheteurs Frontaliers ont besoin de l’argent du Deuxième Pilier pour concrétiser leur projet. L’obésité (morbide) des prix dans la zone frontalière n’est pas étrangère à la démarche…
- se mettre à son compte en Suisse (c’est-à-dire créer son entreprise)
Nous n’entrons pas dans les détails pratiques des différents cas de déblocage. Référez vous à notre Wiki “le deuxième pilier” pour tout connaître sur le Deuxième Pilier.
Que souhaite le législateur suisse ?
Le législateur suisse souhaite mettre fin à la possibilité de débloquer son Deuxième Pilier sous forme de capital lors d’un départ à la retraite.
Cette interdiction ne porterait que sur la part obligatoire de la prévoyance professionnelle. C’est à dire celle qui a été accumulée grâce aux cotisations prélevées sur la part du salaire brut compris entre 21 150 et 84 600 CHF.
A ce stade, la chambre des cantons ne touche pas à la possibilité de débloquer son Deuxième Pilier dans le cas de l’acquisition de sa résidence principale.
Pourquoi une telle mesure ?
Le Premier Pilier, qui assure le minimum vieillesse, n’est pas suffisant pour assurer le maintien de son niveau de vie à la retraite. A cet égard, l’apport du Deuxième Pilier apparaît nécessaire, voire vitale dans un pays dont le coût de la vie est le plus élevé d’Europe.
Là on le bât blesse, c’est que beaucoup de retraités qui ont débloqué leur deuxième pilier sous forme de capital l’ont dilapidé et sollicitent maintenant l’aide des prestations complémentaires (l’aide sociale en clair)
En cause, un capital mal investi : il n’existe pas de contrôle a posteri des sommes débloquées !
Dans un contexte où le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale a explosé depuis 2008, l’objectif du projet de loi est donc de redonner au Deuxième Pilier sa fonction originelle, à savoir améliorer sa situation économique à l’âge de la retraite et garantir son niveau de vie.
Au passage, on redonne des marges de manoeuvre à l’aide sociale même si les retraités sont loin d’être les principaux bénéficiaires d’après une étude du BFS.
Quels impacts pour les Frontaliers ?
Si le projet de loi est mis en application, il s’appliquerait également aux Frontaliers. En l’état, il ne lui serait donc plus possible de débloquer l’intégralité de son Deuxième Pilier sous forme de capital lors d’un départ à la retraite.
Environ 35% des retraités choisissent pourtant cette option.
En première approche, cette interdiction peut paraître injuste puisque le Frontalier ne bénéficie déjà pas des aides sociales suisses même s’il se retrouve sans ressources. On ne peut donc pas l’accuser de plomber le système social suisse.
Impact sur l’immobilier
Rappelons que le déblocage dans le cas de l’achat de sa résidence principale n’est pas remis en cause.
Néanmoins, le fait d’interdire aux retraités de toucher un capital devrait ralentir l’investissement dans l’immobilier, notamment locatif, en zone frontalière. De quoi peut être redonner (un peu) d’oxygène aux primo accédants.
Un taux de conversion en probable baisse qui pénalise le pouvoir d’achat
Le projet de prévoyance professionnel 2020, qui doit être voté en septembre prochain par le peuple suisse, prévoit une diminution de 6.80 % à 6% du taux de conversion applicable à l’avoir de vieillesse accumulé.
Ce qui correspond à une diminution des rentes de l’ordre de 12%.
Sans préjuger de la meilleure option possible lors d’un départ à la retraite, le champ des possibles se rétrécit pour le Frontalier. En interdisant la transformation de son Deuxième Pilier en capital, la possibilité de se tourner vers d’autres placements sûrs et liquides ( assurance vie, emprunt obligataire d’Etat…) disparaît.
Ainsi, les plus motivés et informés n’auront plus la possibilité de choisir le meilleur profil d’investissement.
Nos conclusions
Le Conseil National, la “Chambre du Peuple”, se prononcera dans quelques mois sur ce projet. Il pourrait adoucir les dispositions actuelles du texte en prévoyant un seuil au-delà duquel il n’est plus possible de débloquer son Deuxième Pilier sous forme de capital.
Une piste envisagée est de limiter le montant du retrait aux avoirs accumulés jusqu’à l’âge de 50 ans.
Par ailleurs, le Conseil des Etats a décidé de maintenir la possibilité de retirer de façon anticipée son Deuxième Pilier dans le cas d’un départ à l’étranger, dans un pays hors de l’Union européenne.
L’inégalité de traitement entre ceux qui restent dans le pays, que ce soit la Suisse ou un pays de l’UE , est manifeste.
Il convient d’être attentif, tant le sujet est sensible pour le Frontalier. Nous ne manquerons de vous tenir informé des prochains développements.
tres bon article !
autant ont comprend le choix de ce texte de loi pour les suisses qui deviennent des assisté s’ils ont mal investis leur argent
autant ce choix est incompréhensif pour les frontaliers
Oui, les subsides ne concernent pas les frontaliers, et pourtant si ce choix est fait il impactera les travailleurs frontaliers.
Après le blocage en cas de départ à l’étranger, l’impossibilité pour débloquer en cas de création d’activité sur France et les difficultés que font souvent les caisses pour un déblocage en cas d’achat de résidence principale on comprend que pas mal de caisses doivent être sous-capitalisées.
n’y a t’il pas d’actions de la part du GTE ou du CDTF pour faire un peu de lobbying histoire que le traitement frontalier soit « dérogatoir » ?
Apres tout, un frontalier même sans 2eme pilier peut arriver a vivre en France avec le premier pilier (en vivant comme un non frontalier il va de soit)
Alors qu’en suisse ceci est clairement impossible
TRES bon article. Merci @Pierre
A priori, tout frontalier, qui a eu une carrière normale, est propriétaire de son logement principal une fois à la retraite.
Très peu auront besoin de ce capital pour l’achat de la résidence principale.
Je connai deux ou trois cas de frontalier qui ont récupéré tout le capital du deuxième pilier. On bien profité de la vie avec un train de vie élevé et se sont retrouvé le bec dans l’eau le jour ou il a fallut vivre que de la retraite de base.
Gérer un gros capital n’est pas donné à tout le monde. De plus ces frontaliers sont la proie facile de vendeur de projets immobiliers sans rentabilité.
IlL y a donc du pour et du contre!
Bonjour,
un article très interressant,
on n’est jamais assez prudent, moi ,en partant j 'ai opté pour une rente classique. Au moins celle-là , elle est garantie à vie. ( en principe)
.
Comme je suis parti à 64 ans, elle m ’ est actuellement nécessaire avant l 'arrivée définitive de mon premier pilier. ( AVS…)
.
Ce gros capital doit pouvoir ètre correctement placé, pas facile…avec toutes les pénalités et CSG qui s 'y rapportent.
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Une loi en France passée totalement inaperçue, est sortie en France à ce sujet, renforcant encore les dispositions existantes…
Il faut donc s’assurer de vivre le plus longtemps possible!
si t’as la solution je suis preneur
accident
maladie
meurtre par un fou furieux.
tellement de facteurs qui sont non prévu