Nom: Frankenstein. Taille : 2m64.
Age : Plusieurs centaines d’années.
Caractéristique : peau composée de lambeaux de chair humaine.
Aperçu pour la dernière fois dans la région de Salève.
On le sait peu, c’est dans la région frontalière qu’a rôdé l’un des premiers personnages de science fiction. Suivons les pérégrinations de ce frontalier dans la région et les références historiques du roman.
La naissance de l’oeuvre
- Juin 1816, Cologny, Suisse
« Ce fut un été humide et rigoureux, [écrit Mary Shelley], et la pluie incessante nous confinait des jours entiers à l’intérieur de la maison. »
Réunis par Lord Byron sur la rive du lac Lémant, Mary Shelley, son époux Percy et John William Polidori sont contraints par la météo maussade à rester cloîtrer dans la villa Diodati.
Pour remédier à l’ennui dans lequel ses invités commencent à se morfondre, Lord Byron propose à ces écrivains anglais en herbe un défi : celui d’élaborer un récit s’inspirant des histoires de fantômes, d’esprits qu’ils ont pu découvrir dans la bibliothèque de la demeure.
De cette occupation qui avait pour simple but premier de divertir, sort deux ouvrages qui sont passés à la postérité.
Tout d’abord la nouvelle Vampyre de Polidori qui a contribué à populariser le thème du vampire dans la littérature. Ensuite, bien sûr, Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, alors seulement âgée de dix-neuf ans.
Ce roman, à la fois horrifique et moral, s’inscrit comme un des textes précurseurs de la science fiction. Ecrit en seulement quelques jours, il a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques, et le mythe de Frankenstein est connu de tous.
Une plongée dans la Genève révolutionnaire
L’horreur dans le récit de Marie Shelley est notamment lié aux troubles que connait Genève à la fin du XVIIIes et au début du XIXes.
Rappelons que la population genevoise était à cette époque divisée en deux groupes, la minorité patricienne détenant le pouvoir politique au détriment du reste des citoyens et bourgeois.
La prospérité économique accentuait les ressentiments des seconds.
L’aisance ne s’accompagnant pas de droits politiques, des revendications s’élevèrent dès les années 1770. La position de Genève entre la Suisse, la France et la Savoie donna lieu à l’intervention de trois armées coalisées, dont l’armée française de Louis XVI, qui mirent fin à la révolte en 1782.
Cependant dix ans plus tard, la Révolution française ayant mis fin à la monarchie, la révolution genevoise précipita à son tour la chute de l’Ancien Régime, entraînant la proclamation de l’égalité politique, une période de troubles et des jugements arbitraires. Le système des patriciens fut cependant rétabli en 1813, soit trois ans avant l’écriture de Frankenstein.
Rousseau dans sa dédicace du Discours sur l’inégalité (1755) fait l’éloge des institutions et des moeurs genevoises et loue l’effet pour le peuple d’une société moins hiérarchisée. Dans Frankenstein, c’est le personnage d’Elizabeth, la demi-soeur du héros, qui vante le système genevois, reprenant l’idée qu’un certain nombre d’intellectuels britanniques se faisaient de Genève avant la révolution.
Pourtant, Mary Shelley consacre presque l’intégralité du premier volume à contredire ce propos.
Le personnage de Victor mêle à la fois des origines illustres patriciennes et des ancêtres qui ont été déchus de leur citoyenneté. Il incarne donc les divisions sociales qui furent à l’origine de la révolution de 1792.
S’il vante les qualités de son père patricien qu’il présente comme un homme juste, lorsque la domestique de la famille, Justine Moritz, est accusée à tort d’avoir tué le cadet de la famille, Frankenstein, qui la sait innocente, ne prend pas sa défense.
Il est dit à deux reprises que Justine doit faire confiance aux lois genevoises, mais son sort funeste remet en doute l’institution. Elle est condamnée dans un procès qui rappelle à la fois l’arbitraire de l’Ancien Régime et les tribunaux révolutionnaires, établissant ainsi une causalité entre les deux. Elle est fusillée à Plainpalais, là même où ont été fusillés onze patriciens genevois à l’été 1794.
Sur les pas de Frankenstein
Le récit invite le lecteur à une promenade virtuelle.
L’action se déroule à Genève, mais le périple de Frankenstein et de sa création passe aussi par Lausanne, la vallée de l’Arve ou encore Chamonix.
Le site de la Mer de Glace, minutieusement décrit par Mary Shelley, est le théâtre de la rencontre entre le créateur et sa créature, venue lui réclamer une compagne.
Quelques pages plus tard, c’est dans la cité thermale d’Evian que la jeune épouse de Victor Frankenstein, le jour même de leurs noces, est violemment assassinée par le monstre.
Le couple Shelley et Lord Byron ont également arpenté les sentiers de la Salève, une autre source d’inspiration pour la romancière. C’est d’ailleurs au coeur de ce massif, du côté de Collonge-sous-Salève, que le docteur Victor Frankenstein retrouve, au coeur d’un terrible orage, sa créature qui ne tarde pas à s’enfuir.
Un conseil, ne soyez donc pas trop intrépide si vous croisez le monstre car comme s’interroge, dépité son créateur : « Qui pourrait arrêter un être capable d’escalader les flancs perpendiculaires du mont Salève ? »
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