L’organisation du travail et le management des entreprises est en mutation. Alors que les héritiers du Taylorisme se concentrent sur les processus et les économies d’échelles, on voit arriver des entreprises focalisées sur l’innovation. Elles font évoluer la manière de travailler et changent le rapport patron-salarié.
Le numérique amène un changement dans l’organisation du travail.
La Suisse, en tête des classements sur l’innovation, ne peut pas être à la traîne dans ce domaine. Avec des salaires deux à trois fois plus élevés que chez ses voisins, elle doit innover non plus seulement sur les produits mais aussi sur la manière de travailler.
Nous allons tous être concernés. Mais concrètement, de quoi parle t’on ?
Dé-construire la hiérarchie pyramidale
Qui dit « nouvelles manières de travailler » dit « déconstruire les organisations antérieures ». La première étape c’est la remise en question de la hiérarchie pyramidale. Le temps où le patron détenait la seule vérité de l’entreprise est-il révolu ?
Aujourd’hui, la réponse est oui ! L’environnement change tellement que la descente des consignes du haut vers le bas n’est plus efficace. C’est contre-productif pour l’ensemble de la firme.
Imaginez; la consigne de la Direction se décide au plus haut. Elle descend lentement au travers des niveaux hiérarchiques pour arriver enfin aux collègues au contact du terrain. Ils font remonter leurs remarques qui, lentement remontent (quand elles ne sont pas filtrées) et on repart pour un tour. Cela prend du temps et entre-temps le marché, les concurrents, les clients ont changé.
La nouvelle approche c’est de responsabiliser l’équipe au contact du client. C’est de déléguer au plus près du marché. La pyramide est remplacée par des équipes qui se font et se défont. Cette responsabilisation du salarié se manifeste par davantage d’autonomie et de flexibilité sur l’emploi du temps, sur l’organisation du travail et sur le rapport hiérarchique.
Flexibilité horaire et dématérialisation du lieu de travail
Flexibilité horaire
De même qu’une surcharge horaire est contre productive, une relation de travail basée sur la méfiance et l’imposition d’horaires est source de stress. Elle diminue la qualité de travail.
Le management entrepreneurial de demain confère à l’employé davantage d’autonomie. Ce dernier est libre d’ajuster ses horaires et la localisation de son bureau. En effet, pourquoi ne pas travailler à la montagne, à la mer ou tout simplement de chez soi ?
La mise en oeuvre de ces approches est plus ou moins flexible. Des entreprises bloquent un minimum horaire à effectuer dans les locaux, par exemple une présence obligatoire pour les réunions, d’autres permettent tous les ajustements. Ce nouveau modèle est appelé ROWE ( results-only work environment ). Alors que le présentéisme impose à l’employé un emploi du temps précis, ROWE laisse un libre arbitre à l’individu pourvu que les objectifs soient atteints. De cette façon, la diminution du stress et la confiance entre les collaborateurs améliorent la productivité et la rentabilité de l’entreprise.
Dématérialisation du lieu de travail
La dématérialisation du lieu de travail (chez soi, ailleurs …) c’est aussi les bureaux partagés. Ce concept vous parle t-il ?
Il s’agit tout simplement d’un espace de travail partagé par différents acteurs afin de réaliser l’économie de locaux. On y trouve des avocats, des entrepreneurs individuels qui se partagent un même lieu mais ne travaillent pas ensemble.
Cela permet un échange de compétences, d’expérience mais également d’élargir le nouveau réseau. Cela s’applique aussi en interne de l’entreprise avec l’exemple emblématique du bureau à roulettes de chez la société américaine Valve. L’employé peut le pousser et le rapprocher des bureaux des collègues avec qui ils collabore en ce moment.
L’accent sur le collaboratif
L’autonomie s’applique pleinement aux équipes en contact avec les clients, aux projets stratégiques. La hiérarchie est gommée au profit du collaboratif.
Dans un monde en bouleversement, pour faire les bons choix, il faut bénéficier d’une multiplicité de points de vues. Pour fluidifier ces échanges, on a davantage besoin de coaching que de lien hiérarchique.
C’est la légitimité du collaborateur sur un sujet, sur un projet qui prime sur la position hiérarchique.
Le rôle de chacun se définit par rapport aux missions et aux projets en cours, pas par rapport à des titres hiérarchiques.
L’accent mis sur la pertinence et la valeur ajoutée de chacun crée de l’égalité au sein des membres de l’entreprise. Chacun peut apporter de la valeur ajoutée, chacun « manage » sa valeur ajoutée.
La distinction employé/patron se transforme alors en manager/coach. Plus on collabore avec les collègues, plus on amplifie sa propre valeur ajoutée. Davantage qu’un changement, c’est un bouleversement qui est en cours.
Ce bouleversement est-il nécessaire ?
L’adaptation Suisse
En Suisse comme ailleurs, des entreprises sont plutôt réticentes à bouleverser leur organisation du travail (le comptage horaire, la définition du poste, les objectifs personnels …).
On les comprend, pendant des décennies les écoles de management ont martelé que la clef de la réussite c’était de combiner Taylorisme et taille critique.
Mais le monde change, et vite !
Prenons par exemple le choc du début de l’année pour les entreprises exportatrices suisses. La fin du taux plancher Euro/Franc suisse les a obligé de s’adapter.
Elles ont pris des mesures radicales pour baisser leurs prix de revient : salaires payés en Euro pour les frontaliers, horaires variables, délocalisation d’activités …
Ces mesures ont permis d’absorber le choc. Elles ont aussi des effets négatifs sur les relations de travail et, en ce qui concerne la délocalisation, sur la flexibilité.
Mais elles ne traitent pas le point crucial : avec une main d’oeuvre chère, l’entreprise suisse doit se positionner sur des produits et services a forte valeur ajoutée. Elle doit donc constamment innover pour justifier ses prix.
Nouvelle organisation pour innover
Pour garder sa position dans le peloton de tête des classements des pays innovants, il faut promouvoir l’organisation du travail qui la facilite l’innovation. Pas étonnant que la nouvelle méthode de management en vogue, le « Lean Management » soit diffusée dans le monde par d’efficaces pédagogues qui ont commencé leurs travaux à l’Université de Lausanne (« Value Proposition Canvas » et du « Lean Business Model » d’A. Osterwalder).
Dans ce domaine aussi c’est le pragmatisme qui va guider les entreprises suisses. Quand un exemple d’innovation décuplée par la réorganisation du travail apparaîtra dans son secteur d’activité, elle n’hésitera pas.
Accès aux compétences
Diversifier les compétences impliquées contribue l’innovation.
Pour attirer les jeunes talents, il faut s’adapter à la manière de travailler des générations “ Y “ et « Z ».
Pour attirer les jeunes mères de familles il faut de la flexibilité.
Pour accueillir du personnel déclassé il faut une montée en charge progressive.
Tous ces changements, ne peuvent pas s’intégrer dans l’organisation du travail d’avant, quand un collaborateur était considéré comme une ressource, identique à une autre.
Ce n’est pas facile
Ces changements ne sont ni faciles pour l’entreprise ni pour l’employé : besoin de cadre et d’un emploi du temps fixe pour pouvoir mieux s’organiser, besoin d’une frontière travail/maison, crainte de l’absence de rupture horaire avec l’impression d’être sans cesse au travail ou sans cesse en congé.
Pour le frontalier employé par une entreprise qui se lance dans ce bouleversement, c’est une opportunité.
Opportunité pratique car avec des temps de trajets souvent longs, une journée de travail à la maison peut être une bouffée d’oxygène.
Opportunité professionnelle, car accompagner ce mouvement c’est protéger son emploi.
Ce chemin n’est pas facile, il est nécessaire : développer sa capacité à collaborer, se responsabiliser et auto-définir des règles et des contraintes, traiter les problèmes des clients, contribuer à la flexibilité de l’organisation …
Et vous, votre entreprise est elle en train de changer son organisation du travail ? Comment cela se passe ?
Par respect de la confidentialité, ne pas citer le nom de l’entreprise, mentionnez plutôt le secteur d’activité et le nombre d’employés.
Notre autre article sur le sujet :
https://welcome-suisse.ch/2019/04/le-teletravail-frontalier-suisse-14462.html
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