Pour les votations fédérales d’octobre 2015, le frontalier risque l’amalgame qui regroupe frontalier-étranger résident-réfugié-migrant sous le terme d’étranger.
Cela avait déjà été le cas lors de la votation contre l’immigration de masse de février 2014.
On l’a vu, aucun de ces amalgames n’est bon pour les frontaliers.
Les chiffres de la fête électorale
Au cours du récital électoral, chacun va jouer son répertoire :
Migrants économiques pour les uns, réfugiés pour les autres, besoin de main d’oeuvre pour les entreprises.
Tout au long de la campagne, les compteurs des sondages vont permettre d’ajuster les messages. Mais après la votation, il semble certain que l’utilisation de compteurs va se généraliser.
Après le 9 février 2014 on a parlé de quotas pour les permis résidents et de quotas pour les frontaliers. Maintenant s’ajoutent les quotas de répartition des migrants entre les pays de l’Europe.
Avec l’amalgame, … la régulation par quotas
L’exécutif fédéral avance lentement dans sa mise en oeuvre de l’initiative du 9 février 2014 contre l’immigration de masse. Elle cherche une solution euro-compatible et évite une discussion interne qui pourrait braquer les commissaires européens. Reste que les partis ne sont pas emballés et sont nombreux à pratiquer l’amalgame.
L’amalgame négatif avec l’UDC qui souligne l’impact négatif de l’étranger et prolonge en 2015 le thème de campagne de 2014 contre l’immigration de masse.
L’amalgame positif avec d’autres partis qui appellent à une solidarité globale avec les étrangers.
Que l’amalgame soit positif ou négatif, quand la régulation ne se fait pas par la qualité, reste la quantité (les quotas) pour réguler.
Moins d’amalgame, … pas de quotas
Philip Muller Président du PLR a distingué le frontalier des autres populations.
Il souligne que le frontalier ne participe pas aux causes de l’initiative du 9 février : le frontalier ne contribue pas à la pénurie de logement, il ne sollicite pas des aides sociales Suisses, tout au plus il utilise marginalement des infrastructures de transport.
Mieux, il apporte une compétence manquante aux entreprises. Il devrait donc être exclu du système des quotas.
L’importation des tensions européennes … de nouveaux quotas
Avec les flots de migrants arrivés en Italie en début d’été, la tension européenne est venue s’inviter dans un contexte Suisse déjà crispé.
Le manque de coordination de l’Europe n’a pas aidé à créer de l’enthousiasme sur la décision de la présidente de la confédération Simonetta Sommaruga de contribuer à l’effort européen et d’accueillir 3’000 réfugiés syriens.
Il faut dire que les initiatives européennes n’ont pas donné une impression de parfaite coordination (Opérations militaires navales contre les passeurs Libyens, patrouilles FRONTEX, répartition par quotas entre les pays).
Avec l’explosion de l’arrivée des migrants par les Balkans, le sujet prend une autre tournure, on ne parle plus en milliers de migrants mais en centaines de milliers. Et s’est à Berne que Angela Merkel est venue début septembre décrire la solution pour sauver Schengen : le mécanisme d’affectation par pays d’un quota de migrants …
L’amalgame, une opportunité pour les bilatérales ?
Ces bouleversements en Europe pourraient être une opportunité pour le Conseil Fédéral. En se montrant proactif sur la démarche allemande relative aux quotas de migrants, il pourrait réussir à faire passer à Bruxelles les quotas sur les résidents étrangers et les quotas sur les frontaliers issus de la votation du 9 février 2014.
Les circonstances dramatiques en Europe lui permettrait d’ éviter d’être marginalisé par le gel des bilatérales.
L’UDC ne s’y est pas trompé, le premier parti de Suisse s’affiche comme rempart contre les migrants et choisi un spécialiste des questions d’asile comme candidat à un deuxième siège de conseiller fédéral.
C’est comme si on ne discute plus de l’opportunité des quotas. On serait passé aux modalités pratiques de leur mise en place : quotas de résidence pour les étrangers, quotas pour frontaliers, quotas pour migrants … avec cette avalanche de quotas, pas sûr que les électeurs puissent éviter les amalgames.
Une voix encore inaudible
En période électorale, il n’est pas facile d’entendre des points de vues mesurés. C’est malheureusement le cas pour les entreprises et leurs associations.
Les chiffres mitigés du SECO d’août 2015 montrent quelles souffrent.
Rigidifier les conditions cadre avec des quotas sur les frontaliers limite un levier de flexibilité. Alourdir les démarches administratives pour acquérir de l’expertise là où elle se trouve pénalise l’innovation. Avec le franc fort, des entreprises testent la délocalisation. Des conditions cadre plus lourdes devraient amener de nouvelles entreprises à prospecter cette voie. Quand leurs employeurs sont à la peine, ce n’est pas bon pour les frontaliers.
Le message des entreprises devra contribuer à ce que distinction soit faite entre ce qui relève de la morale (situation des réfugiés) et ce qui relève de l’économique (l’accès à la main d’oeuvre frontalière). Cette distinction faite, elles pourront combiner au mieux le champ de la morale et de l’économie. C’est ce que font des organisations patronales allemandes favorables à l’arrivée d’une nouvelle main d’oeuvre.
Une prophétie qui s’autoréalise
Alors que les barrières de quotas semblent se monter, on a remarqué un mouvement de frontaliers qui passent la frontière et s’installent réellement en Suisse. Ce flux vient s’ajouter à celui qui quitte la France suite à la mise en place de l’affiliation CMU obligatoire. Il s’agit de frontaliers qui jugent que le statut permis B (étranger résidant en Suisse) sera plus pérenne que le statut frontalier avec de probables quotas resserrés sur permis de travail G.
Cela aboutirait à ce que la prophétie de l’UDC sur l’immigration de masse se réalise. Avec la montée des barrières sensées s’en protéger, les frontaliers devenus résidents suisses contribueraient à la pénurie de logement et à ponctionner les aides sociales …
Nous verrons en octobre si l’UDC a récolté les fruits électoraux de ses prophéties et de son positionnement.
Nos prochains articles sur les élections fédérales porteront sur l’image de l’Europe et les stratégies des frontaliers en ces périodes de changement.
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