Etre frontalier, opportunisme ou privilège ?

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Crédits_Eric-P - Vue de Genève depuis la France (le Salève)
Vue de Genève depuis la France (le Salève)    Crédits-Eric-P

Opportunistes pour certains, privilégiés pour d’autres, qu’en est-il réellement des frontaliers d’aujourd’hui ?

Avec des salaires et un pouvoir d’achat élevé les frontaliers contribuent au dynamisme économique par leurs activités, leurs impôts et leurs dépenses.

Mais les critiques fusent. Si être frontalier présente des avantages, c’est surtout être confronté à des choix difficiles et à des bouleversements.

 

Devenir frontalier, pas si évident…

La première difficulté réside dans le fait même de devenir frontalier.
Si pour les suisses qui décident d’installer leur résidence principale de l’autre côté de la frontière ce n’est pas simple, les plus grandes difficultés sont pour les étrangers qui veulent venir travailler en territoire helvétique.

Malgré l’Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, la reconnaissance des diplômes étrangers peut poser problème. On a cité les cas de médecins qui sont passés par un pays Européen pour arriver en Suisse. S’en est suivi la demande légitime que la formation des nouveaux venus soit vérifiée.

Plus généralement, que leur diplôme étranger soit reconnu ou pas, de jeunes étrangers et même nationaux recommencent de hautes études dans la même filière car un diplôme national peut être valorisé par l’employeur.

Pour les langues, la maîtrise d’une langue nationale Suisse et de l’anglais sont souvent une condition pour les postes à responsabilités. Dans des secteurs économiques où la confidentialité est impérative, la nationalité suisse et la résidence en Suisse restent préférées.

Des salaires suisses plus élevés, mais pour plus d’heures de travail

Les salaires suisses peuvent être supérieurs au double des salaires français. Mais le licenciement en Suisse est rapide, tout comme l’embauche. On peut se faire licencier plus vite qu’en France (on peut aussi trouver un nouvel emploi plus vite).

Les suisses travaillent généralement plus d’heures que les français.

En Suisse, c’est 42 heures par semaine et 4 semaines de vacances payées par an. En France, c’est 35 heures légales et 5 semaines de congés payés.
Le congé maternité est, lui aussi, plus long en France avec 16 semaines (pour les deux premiers enfants) et des indemnités de 100% avec plafond. Dans la plupart des cantons de Suisse le congé n’est que de 14 semaines (pour Genève, 16 semaines) et des indemnités à 80% avec plafond.

Le nombre de jours fériés en France est également supérieur avec 11 jours par année contre 9 à Genève et Vaud.

Comparer l’âge de la retraite entre la Suisse et la France n’est pas facile (en France la réglementation est compliquée … et changeante) mais en Suisse l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes, soit quelques années de plus que l’âge retenu en France qui est de 60 à 62 ans.
Pour un retraite à taux plein sur France en revanche, on se rapproche des chiffres suisses (65 à 67 ans).

Des économies au détriment de la vie familiale

Comme le prix des logements et les loyers Suisses sont comparativement très élevés, offrir un jardin à ses enfants est moins cher en France voisine que dans les villes suisses.

Ces avantages sont en partie gommés par les embouteillages du matin et de la fin d’après-midi qui deviennent le rendez-vous quotidien des frontaliers. Comme généralement le prix de l’immobilier diminue avec l’éloignement de la frontière, ce que le frontalier gagne en prix de l’immobilier, il le perd en temps passé et en frais de déplacement.

Des avantages si l’on s’adapte et si l’on anticipe

Les achats sont souvent moins chers du côté français. Mais pour les porte-monnaies des frontaliers ce n’est pas si simple.
Le budget des frontaliers dépend des variations du change Euro/CHF (Franc Suisse). Avec les variations très importantes de ces dernières années (1,60 en 2008 suivi de la parité puis de la remontée dans la zone de 1,20), la gestion budgétaire n’a été facile.

Ceux qui ont acheté leur bien immobilier en France avec un crédit en Franc Suisse, ont pu penser être à l’abri. En fait, pendant la période d’instabilité des taux de change, ceux qui construisaient ou qui ont dû revendre leur bien ont découvert le risque d’un achat dans une devise avec un emprunt dans une autre. Ils ont pris de plein fouet les énormes variations du remboursement.

Les frontaliers sont également tiraillés par des réglementations différentes. Quelles soient fiscales, sociales ou administratives, ces réglementations changent de chaque côté de la frontière. S’ajoutent des accords bilatéraux. Cela oblige le frontalier à toujours se renseigner et à réagir au plus vite. Par exemple, en prévision des changements de l’assurance santé frontalier de 2014, ceux qui ont été les premiers à déclarer une naissance ou un mariage fin 2012 et début 2013 ont pu résilier le choix précédent et revenir en assurance santé LaMal, ceux qui ont tardé ne peuvent plus le faire.

En contrepartie des avantages d’être frontalier, il faut plus que de l’opportunisme. Il faut suivre les évolutions, savoir anticiper et être réactif.

Etre frontalier, un choix complexe aux multiples facettes

Ce qui est sûr c’est que les raisons financières ne sont pas à elles seules suffisantes pour pouvoir expliquer le choix de résidence des frontaliers.

La beauté des régions frontalières entre d’Evian à Bâle, la quiétude de la campagne française à proximité de bassins d’emploi dynamiques ouverts à l’international ce sont autant d’arguments qui poussent à devenir frontalier.

Il y a aussi ceux qui sont là depuis des générations, ceux dont les conjoints travaillent en France ou encore les français qui ne souhaitent pas changer de système scolaire.

Par le passé, être frontalier c’étaient de longues périodes de stabilité pendant lesquelles on a pu se sentir privilégié, suivies de brusques changements.

Avec les bouleversements actuels, être frontalier aujourd’hui c’est voir dans le changement une opportunité plus qu’une menace.

11 Comments

  1. Il y aura toujours des opportunistes, ou plutôt des curieux, j’ai en tête un de nos prestataires de solutions online sur Genève qui a un bureau à Genève en y envoie régulièrement de nouveaux parisiens. Le résultat est assez descriptif de la polémique de cet article : les opportunistes partent au bout des 6 mois, et ceux qui auront remarqué les charmes de la vie à la montagne/campagne et assumé le sacrifice du bouleversement de la retraite en passant par la santé resteront. Je pense que cela se reproduit pour tous la aventuriers du mode de vie frontaliers. C’est un intégration à l’envers, et ça ne plait pas à tout le monde… Mais SVP, arrêtez de nous plaindre, oui les impôts sont lourds, oui la santé coûte plus chère, oui les trajets sont longs, mais on a fait ce choix, et si on l’assume pas c’est qu’on est pas intégré….

  2. Un article intéressant qui vient contrebalancer les bêtises que l’ont entends depuis quelques semaines.

    J’en ai réellement assez de cette polémique stérile uniquement alimentée par les élections genevoises à venir.

    La Suisse ne fait pas dans le social, si les frontaliers sont présents c’est pour servir une économie, répondre à un besoin, soigner des gens, diriger des banques, servir des clients aux restaurants, conduire des trams, construire des montres etc…

    Arrêtons de penser que ces travailleurs « violent » les entreprises Suisses pour avoir un contrat de travail, car dans toute cette histoire c’est d’abord à ceux qui embauchent que l’on devrait poser la question du nombre de frontaliers, ceux qui décident de poser leur signature en bas du contrat avec un permis G, ceux qui se battent pour rester compétitif dans une marché économique hoquetant depuis 2008…

    Pourquoi en ce moment on ne les entend pas ? Ces fleurons de l’économie Suisse en chime, en pharma, en horlogerie pourquoi sont-elles absentes du débat sur fond xénophobe qui inonde les journaux et les discussions en Suisse Romande.

    Mon appel ce tourne vers eux, les grandes entreprises Suisse, les administrations Suisse, pourquoi ne prenez vous pas un peu la parole plutôt que de permettre que l’on fustige au quotidien les personnes qui se lèvent le matin pour venir faire avancer votre structure, votre compétitivité, votre ouverture à l’international etc…

    Enfin on assimile beaucoup les frontaliers à une main d’œuvre peu qualifié dans des métiers comme l’industrie, la construction etc… mais n’oublions pas que les entreprises embauchent énormément de gens très qualifiés qui pour un grand nombre travaillent en multinationales, à des postes de direction de banque, de CEO ou CFO dans les administrations, ceci n’est -il pas une preuve de cette fameuse intégration dont on nous rabâche les oreilles à longueur de journée ?

    La Suisse de part sa stabilité et son environnement est un pôle attractif certain, mais arrêtons de faire porter le chapeau au permis G les accusant de tous les maux dont souffre cette Suisse qui vivant une période de mutation cherche des noms, des têtes à mettre au devant de la scène.

    Quel scandale de voir depuis plusieurs mois la pratique se généraliser dans les annonces d’offres d’emplois (Suisse ou Permis C) au mépris de tous les accords passés avec l’Europe sur la libre circulation, quel scandale de voir les journaux romands jouer le rôle des élections en ouvrant des tribunes ouvertes au commentaires haineux et xénophobes contre les frontaliers sans aucun modération de la part de ces derniers.

    Je termine une nouvelle fois en appelant les entreprises à se mobiliser, a avoir le courage de se positionner afin de faire taire ces théories stériles et affligeantes qui ne contribueront qu’à nous dresser les uns contre les autres au mépris des efforts de chacun des deux côtés de la frontière, la Suisse ne peut pas prendre que le bon côté de l’Europe pour son marché et ses exportations et fermer les yeux sur les règles de libre circulation.

    1. Merci pour ce message très intéressant !

      Les entreprises suisses portent quand même ce discours au travers par exemple de la FER (Fédération des Entreprises Romandes) ou d’economiesuisse (fédération des entreprises suisses).

      En plus de leurs publications (envoyées aux entreprises) on trouve :

      Mais c’est vrai que ces communiqués sont avant tout destinés aux professionnels et que -bien que documentés, précis et objectifs- ils ne trouvent pas l’écho qu’ils méritent dans les medias.

      Pendant ce temps le MCG repeint les trams de Genève aux couleurs du parti en parlant des embouteillages et de la préférence nationale… Un discours plus musclé que celui des entreprises suisses !

      1. On oublie un peu vite qu’il s’agit avant tout d’un contrat légal entre d’une part un travailleur qui cherche du travail, qu’il ne trouve pas en France, et d’autre part une entreprise qui engage un travailleur dont elle a besoin; il n’y a ni acte de charité, ni vol; un contrat commercial est accepté tel quel par les deux parties qui le signent.
        Si travailler la Suisse était si répulsif, pourquoi même des Bretons se feraient frontaliers pour venir travailler en Suisse ?

        Or, les gens sont libres de travailler en Suisse, aux conditions contractuelles, si elles sont mécontentes des conditions, alors il ne leur reste qu’à chercher leur bonheur ailleurs.

        La Suisse est un petit pays, archi-démocratique, qui n’a jamais eu de colonies et dont les rêves de puissance se sont brisés en 1515 à Marignan (Lombardie).
        Pourquoi aurait-elle honte de protéger ses intérêts nationaux ?
        Est-ce monstrueux et contraire au droit des gens ?

  3. Pierre merci pour ta réponse mais en effet l’impact de ces études défendues du bout des lèvres par les entreprises est en effet minime et je ne vois nulle part la question abordé sous l’angle « nous embauchons des gens qualifiés et travailleurs, flexibles et sérieux » mais la question est plus tournée sous l’angle « ne vous inquiétez pas, ces permis G ne sont pas une menace » ce qui est une manière de voir les choses très différente. A l’heure ou nous parlons du Grand Genève, de projets transfrontaliers etc…on assiste à une réelle contraction de la façon de penser ce qui aura des répercussions graves sur les relations frontalières dans les mois à venir.Renier cette nouvelle agglomération est à mon sens une erreur, nous vivons au quotidien les uns chez les autres, nous consommons les uns chez les autres, j’en ai assez d’entendre le cliché des cigarettes que les permis G achètent en Suisse, la plupart des frontaliers consomment sur place.Parfois apparaissent dans les journaux des chiffres, pas très précis, estimant le nombre de Suisse vivant à la frontière entre 20 000 et 40 000 (déclarés) la réalité se rapprocherait (avec les non déclarés) à 60 000 – 80 000, et on nous parle de non intégration ? Je rappelle également que les frontaliers Français n’émargent pas au chômage Suisse ni à l’aide sociale, qu’ils cotisent à l’assurance chômage Suisse, à l’AVS et à la LPP (ce qui aident à financer les retraites actuelles), que les infrastructures de transport n’ayant que très peu évolués sont la réelle cause des embouteillages sur GE, je rappelle également que la Suisse et les politiques ont toujours soutenue une politique de forfaits fiscaux hors normes en Europe pour attirer les grandes multinationales sur les bords du lac, cette politique là à créer de la richesse, des emplois et donc un besoin de main d’oeuvre qualifiée pour travailler dans ces sociétés. Seulement le peuple à voter, finit les forfaits fiscaux, L’Europe presse la Suisse de rentrer dans le rang sous peine de sanctions commerciales, avec l’initiative Minder le signal est clair… La Suisse ne serait-elle pas en train de se tirer une balle dans le pied ? Rappelons le sans forfaits fiscaux attirants les sociétés partiront, même si la Suisse est stable politiquement et que le Lac est très joli, les places asiatiques draguent de manière régulière les multinationales implantés sur GE, certaines sont déjà parties d’autres suivront c’est certain, et même le tout grand Nestlé fleuron Suisse de l’agroalimentaire a prévenu le canton de VD qu’en cas de « non adaptation » la société irait faire le business ailleurs. Arrêtons donc l’hypocrisie travaillons ensemble, La Suisse est un pays formidable, qui doit voir son avenir dans l’ouverture sur le monde (elle n’en a d’ailleurs pas le choix), La Suisse doit mener une politique d’investissement important dans ces infrastructures pour fluidifier sa croissance (trains, routes etc…). Elle doit sortir d’un schéma vieux de 15 ans pour rentrer dans une période moderne, elle en a les capacités, les ressources, mais en a t-elle envie?

  4. Je suis frontalier depuis seulement deux ans et je me renseigne souvent sur notre implantation nous français surtout après ce fabuleux article qui je pense est surement passé dans beaucoup de journaux. Il est bien dommage Ludovic que tes commentaires ne soient pas vu par plus de gens…
    Merci à toi pour ton intervention

  5. Je suis frontalier de nationalité Suisse, ayant vécu en Suisse avant de déménager en France. Je n’ai PAS décidé de partir en France et de devenir frontalier pour des raisons économiques. Certes le coût de la vie / habitation est moindre (et encore ! dans les villes frontalières … ), mais cela est largement compensé par les impôts beaucoup plus progressifs en France. En fait, j’avais une envie de changement, de reconstruire une nouvelle vie avec ma famille dans un autre pays.

  6. Ceci corrobore le fait qu’il est urgent de changer les mentalités vis-à-vis des frontaliers, certains font le choix ou non de venir s’installer en France pour des raisons économiques, cependant à bien y regarder, le prix au m2 dans le pays de Gex est le plus important après Paris et la côte d’Azur…l’installation à but économique en zone frontalière en France devient donc toute relative…
    C’est difficile de s’en plaindre on se trouve proche de la Suisse c’est donc logique…pour ceux qui sont frontaliers, pour les autres la situation est tout autre c’est certain.
    Nous allons probablement assister en Septembre (dès que tout le monde reviendra bien bronzé) à une déferlante dans les journaux sur les frontaliers, les élections Genevoises approchent à grands pas, je souhaite que les frontaliers Suisse ou Français n’acceptent plus les injures et traitements xénophobes au quotidien dans la presse ou ailleurs, il en va de la bonne cohésion de l’ensemble des relations dans cette zone si particulière, je souhaite surtout que les entreprises Suisse élèvent le débat dans les médias et se fassent entendre un peu plus, qu’elles prennent enfin position en expliquant leur motivation, leur choix etc…
    Les mentalités doivent changer et vite sinon le climat risque de devenir orageux voir tempétueux…

  7. Bonjour,
    Je souhaiterais devenir frontalier mais plein de questions
    Me trotte dans la tete au niveau salaire social impôt
    Avantage et inconvénient et je ne fait pas trop confiance
    À internet.
    Existe t’il des bureaux ou des personnes au alentour de Genève que je puisse rencontre et qu’il réponde à mes questions.

    1. Bonjour Rémi. Étant ds la même situation que vs, j’aimerais savoir si vous avez eu des réponses svp ? D’avance merci. Cdlt.

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