L’agitation suite à la votation Suisse du 11 mars 2012 qui limite à 20% le nombre de résidences secondaires par commune, confirme que la construction est un sujet extrêmement sensible dans la Confédération.
Pour rappel, cette votation a arraché d’une courte avance le « oui », principalement choisi par les cantons du nord de la Suisse (voir infographie ci-dessous).
Les disparités sont très fortes entre les cantons très différemment impactés par la mesure, le Valais vote ainsi non à près de 74%, tandis que Bâle-Ville vote oui à plus de 62% !
Des antécédents
La complexité de la Lex Koller qui réglemente l’achat immobilier des étrangers en Suisse prouve l’attention portée sur ce sujet.
En effet, les règles sont distinctes selon si l’acquisition est une résidence principale, une résidence secondaire, selon si les immeubles sont destinés à une activité économique ou pas, selon la nationalité de l’acquéreur et si l’acquéreur est une personne physique ou une personne morale.
En Europe, un poste gouvernemental en charge du logement passe plutôt inaperçu. A Genève, pendant des années, on savait qui était Mark Muller.
Ce poste et le logement ont été le sujet de toutes les attentions et de soutiens appuyés avec en particulier celui des promoteurs locaux. Ils n’ont pas faibli pour Mark Muller, que ce soit lors de ses précédents faux-pas, pendant « l’affaire » et après sa démission.
En Europe, pour des affaires similaires, le « lâchage » aurait eu lieu bien avant.
Des réalités contradictoires, des contre-feux
La déclaration de la conseillère fédérale Doris Leuthard, juste après le résultat du vote est catégorique « Le nouvel article constitutionnel et ses dispositions restrictives entrent en vigueur immédiatement ».
Le sujet est ainsi posé dans l’urgence alors que les dispositions transitoires ne vont s’appliquer que pour la période entre le 1er janvier 2013 et la publication de la loi d’application. D’ici le 1er janvier 2013, un flot de demandes de permis de construire serait à prévoir.
Après la défaite du 11 mars, le camp bourgeois allume un contre-feu et prend des positions quelque peu provocatrices. Il préconise d’abandonner la Lex Koller qu’il juge maintenant inutile.
Enfin, Le grand conseil Valaisan informe s’engager fermement pour défendre les intérêts du canton qui a massivement rejeté l’initiative et ne prendre « aucune mesure qui anticipe les objectifs définis par l’initiative ».
Se pose la question du rapport de la fédération et du canton sur un sujet à fort impact local.
Le chalet dans la culture Suisse
Avez-vous déjà remarqué que lorsque vous parlez à un Suisse de ski, vous avez beaucoup de chance qu’il vous demande « où allez-vous ?».
Comme partout, cette question permet de cibler socialement l’interlocuteur. Vous ne serez pas placé dans la même catégorie selon si vous répondez Arolla (VS), Verbier (VS) ou Saas-Fee (VS).
La différence sera encore plus marquée si vous répondez que vous skiez en France aux Rousses, à Megève ou à Chamonix.
Ce qui semble spécifique à la Suisse c’est l’importance de la localisation de la résidence secondaire.
Dans d’autres pays européens elle est omise. Ici, les registres officiels des personnes conservent le lieu d’origine, la commune d’annonce du domicile principal et la commune d’annonce du domicile secondaire. Dans la localisation du chalet, au-delà de la mission de contrôle, on aurait une composante de la définition de la personne.
C’est que le chalet ferait partie de l’imaginaire Suisse. Passé d’un abri d’alpage à « l’habitation Suisse », il serait le symbole d’un rapport harmonieux avec la nature.
Sa simplicité aurait représenté, au siècle des lumières, des valeurs de liberté et de démocratie.
Les partisans de cette thèse soulignent avoir même trouvé mention de chalet dans les écrits de JJ. Rousseau.
Il est pourtant difficile de voir un rapport harmonieux avec la nature dans les constructions de Verbier destinées aux propriétaires d’Europe de l’Est.
On peut imaginer que la confrontation de l’initiative Weber avec les ressources immenses des futurs propriétaires va donner lieux à de nombreux recours en justice. Les années de recours contre la construction du CEVA à Genève pourraient alors apparaître bien courtes en comparaison. A n’en pas douter, ces péripéties judiciaires permettront alors aux « hommes de loi » d’agrandir leurs propres chalets.
Les effets sur le marché
L’abandon de la Lex Koller mentionnée par le camp bourgeois donnerait aux étrangers un poids important sur le marché du chalet. On peut prévoir qu’à demande constante, la baisse de l’offre va en faire augmenter les prix.
L’étude « Crédit Suisse Economic Research » fait état d’une bonne évolution des ratios prudentiels sur le financement immobilier que sont les taux de nantissement, les taux des frais courants moyens des débiteurs ramenés au revenu. Cette étude qualifie néanmoins « d’effrayante » la hausse des prix de PPE en moyenne Suisse à 8,6% en 2011. Dans ce contexte, un resserrement de l’offre sur une niche de marché comme les chalets peut amplifier l’effet sur les prix.
La Real Estate SICAV« Swiss » affirme quand à elle qu’il n’y a pas de bulle immobilière en vue. Avec une exposition actuelle de 1% dans le Valais et de 18% dans le résidentiel, son positionnement sur le marché du chalet n’est pas significatif. Ce sera peut être davantage le cas pour le nouveau compartiment quelle lance en mai et qui va acquérir des portefeuilles d’immeubles à restructurer et repositionner. Restructurer des immeubles et les repositionner peut être un moyen d’avoir une offre dans des communes à plus de 20% de résidences secondaires.
Comme contournement pour maintenir l’offre, on a parlé aussi de la vente par « l’indigène » de sa résidence principale et son achat d’une nouvelle résidence … principale.
Le marché du chalet est tout de même impacté par le marché immobilier dans son ensemble, et aujourd’hui, les Banques cantonales qui ont souffert des précédentes crises limitent fortement leur exposition dans le secteur. Enfin, pour nos retraites de la ville et des montagnes, nous avons tous intérêt que le marché immobilier tienne bon. En effet, l’allocation des caisses de pension en investissement immobilier est passée de 7,9% au 4ème trimestre 2002 à 21,1% au 4ème trimestre 2011 !
Un effet sur l’économie de la montagne
La raréfaction de l’offre en Suisse peut contribuer à ce que la demande se déplace sur Megève, Chamonix ou même la Côte d’Azur qui est à deux heures du Léman trajet en avion compris.
Ce qui est sûr c’est que le succès de l’initiative Weber va modifier l’économie du tourisme de la montagne. Le frein qui sera donné au mitage par des chalets individuels et son corollaire d’embouteillages automobiles va modifier l’empreinte sur la montagne.
L’avenir va certainement innover et remodeler des recettes du passé que ce soit le car postal, les pensions de famille, la circulation d’automobiles interdite comme à Saas-Fee. Cela va aussi modifier le rapport du citadin à la montagne. Je me souviens de ma première arrivée à Crans-Montana en 1977 par le train jusqu’à Sierre puis parla crémaillère. Depuis, je n’ai plus retrouvé cette sensation en arrivant en station.
Des initiatives réussies d’autres cantons pourront être reprises comme par exemple celle de Zoug qui réserve des terrains à des prix conventionnés pour permettre aux locaux de construire. En ce sens, on peut prévoir que c’est avec l’innovation et le pragmatisme que la Suisse va adresser le sujet.
L’exemplaire démocratie Suisse et le symbole
Dans cette affaire, ce que l’on peut retenir c’est l’efficacité de la votation.
Elle s’applique avec une redoutable simplicité. Au lieu de solliciter le citoyen sur des grands principes, la votation lui demande une réponse sur une solution concrète. Pour décider, le citoyen fait appel à ses principes et à ses valeurs.
Dans quel autre pays peut on obtenir sans crise une réponse à une question qui traite d’un symbole, qui touche une population qualifiée « d’indigène » et qui impacte 10 000 emplois ?
C’est qu’au-delà des crispations, il y a consensus sur la volonté de valoriser à long terme la Confédération.
Joelle Kuntza écrit dans « le Temps » du 14 mars 2012 « Les montagnards sont la banque, les gardiens du trésor, qu’ils investissent et sur lequel ils prennent leur marge, mais sous l’œil toujours critique de l’urbain, inquiet de se voir victime d’une bulle ou d’un schéma de Ponzi ».
L’agitation actuelle pourrait s’apparenter à une houleuse assemblée générale d’actionnaires, heureusement régie par une solide gouvernance d’entreprise.
Le bon sens et la vision à long terme dans la gestion de la cité, c’est peut être aussi ce que viennent chercher les acheteurs étrangers de l’immobilier Suisse.
stephane
Vous parliez de Crans Montana dans votre article, Randogne, une des communes qui constitue la station a publié 6 demandes de permis de construire deux semaines après la votation de l’initiative Weber.
La première semaine après le vote, le Valais dans son ensemble à publié 50 demandes de permis de construire et presqu’autant la deuxième semaine.
Espérons que les parties vont réussir à travailler ensemble et que l’avalanche de permis se modère avant le 1er janvier 2013.
front
bonjour
aurais-je un soucis à la frontières si j’ai mon adresse a Genève avec un permis de travail « B » et habites en réalité en France?
la douane vous contrôle t – elle? et si elle vous contrôle comment cela se passe?
quel motif donnez vous pour faire des allers retours quotidien de France en Suisse?
merci pour votre réponse et bonne journée
admin
Pourquoi ne pas vous mettre en règle au niveau de votre permis et de votre résidence principale pour éviter ce genre de désagrément ?
Dans la pratique, je ne pense pas que cela pose problème compte tenu du nombre de suisses faisant ce type de trajet quotidiennement tout en restant déclaré comme résident suisse.
Quand aux contrôles à la douane, ils sont assez sporadiques (cela dépend beaucoup de votre lieu de passage).