2018, une année plutôt stable pour les frontaliers
Le pouvoir d’achat des frontaliers, lié au taux de change Euro / Franc Suisse, s’est maintenu. En 2018, une remontée trop rapide de l’Euro a été évitée. Malgré la tendance à repasser au dessus du taux de 1,20, l’Euro s’est finalement maintenu en dessous.
Le niveau d’activité a été bon en 2018 avec une croissance de 2,6% qui a créé des opportunités de travail.
La mise en œuvre de la votation « préférence nationale » n’a pas été top lourde. Elle a débuté en juillet 2018 mais n’a concerné que les professions avec un taux de chômage supérieur à 8% (hôtellerie et construction).
Des perspectives 2019, plus critiques
Le pouvoir d’achat des frontaliers de 2019 est corrélé aux incertitudes européennes qui sapent l’Euro. Si une baisse trop forte de l’Euro peut apporter un gain de pouvoir d’achat à court terme, attention qu’elle ne limite pas les capacités exportatrices de la Suisse et ne vienne pas réduire la capacité suisse à embaucher.
Il est déjà prévu qu’avec une croissance suisse limitée à 1,5%, la création de places de travail en 2019 sera moins dynamique qu’en 2018.
L’application de la préférence nationale va progressivement se durcir avec, en 2019, l’abaissement de l’obligation d’annonce des places vacantes dans les secteurs à plus de 5% de chômage.
Rappelons encore une fois ici l’importance pour le frontalier qui a perdu son travail de s’inscrire à l’Office de l’Emploi de son canton. Ne pas le faire, c’est réduire les opportunités de retrouver rapidement du travail.
Des indicateurs au rouge de chaque côté de la frontière
Du côté de la Suisse, pays exportateur, une guerre commerciale entre les USA et la Chine peut limiter ses débouchés. Pour le frontalier qui travaille dans ces industries, c’est son poste qui peut être remis en question par des barrières sur le commerce international. Un Euro affaibli par le poids de la dette Européenne et par une défiance vis à vis de Bruxelles peut aussi renchérir le prix des exportations suisses et réduire leur compétitivité.
S’ajoute un constat : depuis 1998 le nombre de travailleurs frontaliers n’avait cessé d’augmenter. De septembre 2017 à septembre 2018, le nombre de frontaliers s’est réduit de 0,8% (-2’500 frontaliers) pour revenir à 312’000 frontaliers. La réduction reste faible, il est trop tôt pour en tirer des conclusions. En 2019, l’Office Fédéral de la Statistique en publiera une analyse détaillée. Elle sera a étudier avec attention.
Du côté de la France, il n’est pas facile de trouver des indicateurs au vert pour les frontaliers.
La réalité des chiffres, les manœuvres politiques et la difficulté à copier ce qui fonctionne plutôt bien chez son voisin ne contribuent pas à l’optimisme.
La réalité des chiffres c’est qu’à la fin 2018 le gouvernement a offert 10 Milliards pour contenir la crise sociale. Le frontalier, qui fait partie des salariés les mieux lotis a pris l’habitude d’être particulièrement sollicité quand il y a un déficit à combler. Il se rappellera qu’en 2014, la fin de l’assurance privée des frontaliers avait été identifiée comme solution pour contribuer au financement de la CMU.
Les succès des Gilets Jaunes de la fin d’année 2018 semblent maintenant attirer de « nouveaux » Gilets jaunes qui étaient précédemment encartés dans des organisations traditionnelles. Il y aurait un risque que ces nouveaux arrivants poussent à l’immobilisme en habillant de jaune d’anciennes revendications corporatistes.
Dans ce contexte, le Forum des Frontaliers remonte l’exaspération de voir la France incapable de s’inspirer de ce qui fonctionne chez son voisin Suisse et en particulier d’organiser un authentique débat national. En Suisse, c’est plusieurs fois par an qu’il y a des débats nationaux les initiatives populaires fédérales permettent à des citoyens de proposer un texte soumis en votation.
Un des participants du Forum des Frontaliers a interpellé les dirigeants français: Pour le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) il n’y a pas à réinventer la roue! pour faire plus simple il suffit de se baser sur les textes suisses, tout est déjà écrit en français.
Le bêtisier
Cette année, c’est du côté français que les participants du Forum des Frontaliers ont déniché les plus belles perles. Nous en avons sélectionné à différents niveaux de l’Etat et de sa représentation: le guichet de l’administration, l’administration départementale et le perchoir de l’Assemblée Nationale.
En 2018, un fonctionnaire de la CPAM a soutenu mordicus derrière son guichet « Si vous êtes à la LAMal suisse vous ne pourrez pas toucher le chômage en France » !
Nous ne pouvons que lui conseiller la lecture du Blog du Frontalier.
Alors qu’enfin la ministre a enfin donné des directives pour que le cas des frontaliers « double affiliés LAMal-CMU» soit réglé, l’administration traîne des pieds, avec ses procédures, les cas ne se résolvent qu’au compte-gouttes. Cela dure depuis des années maintenant. Le « bon sens » n’arrive pas à s’appliquer. Rappelons que côté Suisse, il n’a pas pas fallu plus de 6 mois aux différents cantons pour résoudre le problème de l’absence de formalisation du choix du système de santé.
Michel Ferrand, maintenant Président de l’Assemblée Nationale, 4ème du rang protocolaire de la France a dénigré l’un des fondement de la démocratie Suisse : « Tout à l’heure, quelqu’un vantait la grande démocratie cantonale helvétique : reprenez les thèmes qui sont soumis, c’est très souvent le fait de cliques affairistes et de quelques lobbyistes démasqués». Quelle arrogance de sa part, lui qui n’aurait pas été insensible aux «bonnes affaires » et qui participe au mouvement pro-gouvernemental pas bien à l’aise dans l’organisation d’un débat national.
Le frontalier en 2019, un éclaireur
Le frontalier suisse travaille dans un pays sans déficit budgétaire, avec une démocratie directe, un Etat « allégé » et « de proximité », avec une doctrine de protection sociale qui fait appel à la responsabilité.
Le frontalier a l’expérience des sujets qui ont émergé comme revendication en fin d’année 2018. Quand il participe au Forum des Frontaliers, il donne un éclairage complémentaire aux analyses de beaucoup de commentateurs hexagonaux. Sa vision des maux français et des pistes d’améliorations est rendue pertinente par son expérience des deux côtés de la frontière.
A la lecture du Forum des Frontaliers on ressent de l’impatience à voir s’appliquer en France des solutions plus simples aux problèmes, une écoute des électeurs, moins et mieux dépenser, ajuster la doctrine de protection sociale.
Le Frontalier en a bien besoin, pas seulement pour que son pays de résidence fonctionne mieux, mais aussi pour que son pays de travail continuer à « performer ». L’imbrication de l’économie suisse avec l’Europe est telle qu’une Europe qui tousse, ce sont les exportations suisses qui se réduisent, moins d’opportunité de travail pour les frontaliers, plus de fermeture des frontières pour ceux qui y travaillent.
Puisse en 2019, le frontalier voir son pays de résidence appliquer quelques recettes qui fonctionnent bien du côté de la Suisse.
Je crains que ce ne soit pas le cas… malheureusement !