Deux ans après la création du Léman, le Valais lance sa propre monnaie locale complémentaire : le Farinet.
A l’issue d’une campagne de financement participatif qui a permis aux promoteurs de récolter plus de 22 000 CHF, la monnaie verra finalement le jour début 2017.
Le Farinet et le Léman : un ancrage local
Non sans humour, l’effigie du nouveau billet sera Jean-Louis Barrault, héros du film «Farinet ou l’or dans la montagne» de Max Haufler.
Dans le film, notre héros fabrique de la fausse monnaie qui vaut plus que la vraie monnaie puisque ses pièces sont d’or et non d’argent…
Contrairement au WIR qui s’adresse principalement aux entreprises, l’objectif premier de ces nouvelles monnaies locales complémentaires vise à favoriser les échanges économiques entre les habitants d’une même région.
Ainsi, le Léman se cantonne à irriguer le pourtour de l’arc lémanique, ce qui en fait une monnaie transfrontalière unique en son genre. Pour une fois, résidents suisses et frontaliers voguent ensemble sur le même esquif ! A noter, le site internet du Léman recense 321 prestataires et commerçants adhérents, limitant l’impact économique de la monnaie.
Le Farinet irriguera le canton du Valais. Pour l’instant, la carte interactive indique qu’une dizaine de prestataires et enseignes acceptent cette nouvelle monnaie. Ce chiffre va logiquement gonfler à l’approche du lancement.
Une monnaie locale : pour quoi faire ?
Conséquence d’une aire de distribution restreinte, les inventeurs de ces monnaies mettent en avant leur caractère plus équitable, solidaire et écologique que les monnaies traditionnelles. Mais qu’en est-il réellement ?
Beaucoup voient dans ces monnaies locales une réponse aux dérives économiques actuelles. On pense forcément aux effets de la mondialisation dans ses effets les plus pervers : délocalisation des usines et des emplois, concurrence déloyale des pays à bas coût qui fragilisent de nombreux secteurs d’activité et, par voie de conséquence, notre modèle de protection sociale etc
Les échanges limités à une zone restreinte augmentent la demande. Un cercle vertueux se crée. La plupart des bénéfices vont enrichir la communauté, et une part moins importante est drainée hors de la communauté, Cette augmentation de la demande en biens et services favorise ainsi l’emploi, l’objectif ultime des politiques économiques.
Les détracteurs affirment aussi qu’une telle monnaie crée une sorte de barrière douanière qui nuit aux économies d’échelle et autres avantages comparatifs issus. Argument recevable. Mais pourquoi, alors, ne pas mieux protéger son économie nationale en ouvrant aux quatre vents son marché intérieur sans réelle contrepartie dans l’échange ?
Pensez aux secteurs économiques sacrifiés dans l’espace européen (acier, panneaux solaires…) sur l’autel de cette doxa ultra libérale et à ses conséquences sur l’emploi, notamment des moins qualifiés.
Le Farinet et le Léman peuvent-ils sauver la planète ?
Les promoteurs des monnaies locales mettent en avant que les circuits courts diminuent les coûts de transports et donc l’émission des gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement climatique.
Bien sûr, on peut rétorquer que rien n’empêche le commerçant adhérent de s’approvisionner à l’autre bout de la planète. C’est vrai. Mais c’est tout aussi vrai pour ceux qui ne font pas partie de la communauté.
Par contre, pour les échanges locaux d’une entreprise adhérente à une autre (les échanges B2B), la monnaie locale favorise sans aucun doute possible les circuits courts.
Monnaies locales et crypto-monnaies : même combat ?
Le paysage monétaire évolue à la faveur des innovations numériques mais aussi de la volonté de citoyens de disposer d’outils monétaires différents : monnaies locales complémentaires et crypto-monnaies, dont le Bitcoin est l’avatar le plus connu, en constituent les développements récents..
Comme le révèle un récent rapport français “Mission d’étude sur les monnaies locales complémentaires et les systèmes d’échange locaux” : Ce qui oppose fondamentalement le Bitcoin aux monnaies complémentaires, c’est son caractère apatride et anonyme. Sa création et son émission ne sont absolument pas ancrés dans un minimum de délibérations démocratiques et politiques. De même son utilisation n’est en rien soumise à des objectifs de développement de l’activité économique au bénéfice d’un territoire ou de renforcement du lien social au service de la collectivité.
C’est tout le contraire des promoteurs des monnaies locales complémentaires, d’abord motivés par des questions d’ordre social et écologique. La revitalisation des périphéries abandonnées à travers la relocalisation de l’activité et la promotion des circuits courts constituent la pierre angulaire de l’édifice.
Quoiqu’on en pense, le faible nombre d’adhérents empêche d’avoir une vue précise des effets possibles sur l’économie des monnaies locales complémentaires. Et quand bien même une masse critique serait atteinte, les banquiers centraux se laisseraient-ils délester de leurs prérogatives ? Comme le souligne l’économiste Bernard Lietaer, l’un des meilleurs spécialiste mondiaux sur le sujet : « il serait naïf de considérer les monnaies complémentaires comme une potion magique, susceptible de résoudre tous les problèmes présents et à venir. Néanmoins, repenser la monnaie est un élément indispensable à toute réflexion, si elle doit déboucher sur des solutions opérationnelles. »
Et vous, allez-vous utiliser ces nouvelles monnaies pour vos prochains achats de fin d’année ?